Partant du constat que « le souci du monde, sa préservation supplantent désormais le seul désir du confort exclusif de l’usager », le VIA avait décidé d’inclure pour la première fois dans ses critères de sélection la dimension de respect écologique.
Penser écologiquement un objet, c’est tout d’abord intégrer dans sa conception l’idée de sa disparition. Cette démarche, relayée par l’utilisation de matériaux uniques, est clairement perceptible dans certaines productions des jeunes designers.
Ainsi en est-il de la bibliothèque Fossile de El-Oulhani, Garzon et Sionis, composée de modules empilables de terre cuite, ou du tabouret Particules, en particules de bois compressées d’Adrien Rovero.
L’autre hypothèse valorisée par le VIA comme réponse à la recherche d’un design environnementalement juste est celle d’objets ne s’affirmant plus comme des entités uniques, mais s’inscrivant comme parties d’un tout plus vaste. Façon d’affirmer qu’il y aurait quelque chose d’ « écologiquement conscient » à préférer des objets qui ne puissent d’emblée se donner comme des objets de désir, appels à la consommation frénétique. Ils matérialiseraient aussi le sentiment qui prévaut dans la prise de conscience de l’urgence environnementale : la sensation que l’action de chaque élément isolé se répercute sur un réseau, un « écosystème ». La bibliothèque Infinity de Samuel Accoberry prend donc forme grâce à l’architecture sur laquelle elle est fixée.
Il est aussi question de réseau dans la carte blanche de Jean Louis Frechin.
Son projet, baptisé Interfaces, propose du mobilier ou des éléments de décoration qui deviennent le support de services issus des nouvelles technologies.
Son étagère WaAz est combinée à une chaîne hi-fi, qui lit les informations d’une pochette de CD ou de DVD que l’on pose sur elle, via un dispositif Rfid ; une autre, WaSnake, se dote d’écrans lumineux qui permettent de diffuser des SMS ou des flux RSS.
Jouant sur le même registre, WaDoor est un écran-objet en papier électroluminescent pour la maison ou l’espace public ; WaNetLight, une suspension qui offre la possibilité de créer des compositions lumineuses ; et WaPix, enfin, consiste en un duo de cadres photos numériques sur lesquels les images défilent de l’un à l’autre dans une continuité et à un rythme qui dépendent de leur éloignement.
Jean-Louis Frechin, qui se définit comme « designer numérique », est un expérimentateur. Certaines de ses créations remplissent les nouvelles fonctions induites par les évolutions technologiques.
L’étagère WaAz propose, en effet, une solution aux problèmes de la multiplication des fils connectiques entre les ordinateurs et le matériel servant à diffuser la musique. Elle est aussi un objet-interface qui comble l’écart entre la musique immatérielle et la musique stockée sur des supports physiques instantanés.
D’autres comme WaSnake ou WaDoor, semblent créer des besoins nouveaux plutôt que répondre à des problèmes non résolus.
Ces excès sont peut-être le lot de toutes les pratiques pionnières du design, et l’on songe aux stations de vie créées par les designers des années 1970, lorsque le vent de liberté qui soufflait alors faisait croire à un bouleversement profond des comportements sociaux dont le mobilier se devait d’être le reflet. Mais les pistes explorées par Jean-Louis Frechin seront probablement traduites dans quelques années dans la production destinée au grand public.
Entre low et high tech, surenchère technique et appel à un minimalisme des matériaux, le stand du VIA présentait en tout cas à lui seul un concentré des paradoxes entre lesquels louvoie ce début du XXIème siècle. Le design, encore et toujours un révélateur d’époque ?