Alors que de plus en plus de galeries optent pour des expositions collectives, la galerie Jean Brolly, malgré la crise, maintient l’exposition de Rémy Hysbergue, et ouvre un nouvel espace donnant sur la rue (une petite vitrine) avec François Morellet et Claude Rutault. C’est Rémy Hysbergue qui occupe l’espace principal de la galerie.
L’exposition «Vertiges» nous permet de découvrir des pièces récentes extraites de trois séries : Entre deux, Pour Voir et Furtifs. On comprend alors vite qu’avec Rémy Hysbergue, il faut sans cesse passer de la démarche générale, à la série, à la pièce, et recommencer. Un va-et‐vient qui se fait dans l’effort mais qui est récompensé.
Au contact de l’œuvre, un problème de vocabulaire apparaît. Ce ne sont ni véritablement des toiles, ou des peintures, ni des œuvres avec tout le poids que cela suppose. Appelons-les ici des espaces.
Le processus mental qui se met en place devant le travail de Rémy Hysbergue est complexe et riche. Les pièces, les séries, s’inscrivent toutes dans une recherche perpétuelle, un jeu sur et avec la peinture, l’espace, le support et le regard.
Ce que l’artiste nous donne à voir, ce sont des espaces construits, déconstruits, ou reconstruits — sans doute même, les trois à la fois. La construction de la toile se révèle être d’une grande subtilité, mais ne se
dévoile pas au spectateur pressé. Chaque espace nécessite une reconstruction mentale de notre part, appelle un temps d’arrêt et de concentration, ou de jeu. L’œuvre et les œuvres de Rémy Hysbergue fonctionnent avec le temps, de même qu’avec l’espace — leur espace et l’espace d’exposition dans lequel nous nous trouvons. La proximité ouvre des voies nouvelles que l’apparent chaos, vu de loin, ne laissait pas présager. Les pièces méritent une certaine proximité, elles la demandent et la subliment.
Rémy Hysbergue procède avec méthode à l’élaboration de ses espaces picturaux. Ce qui nous regarde, et nous invite au jeu, est le fruit d’un travail méticuleux où le hasard a été maîtrisé, dompté. Derrière ce qui semble d’abord n’être qu’une étrange concentration picturale, se déploie, en réalité, un monde très organisé. Les espaces que nous montre l’artiste défient l’œil et le regard. Ils se transforment à chaque minute, ce qui les rend insaisissables.
Les pièces sont composées de strates, de couches. Les trois toiles de la série Entre deux révèlent une utilisation habile de la couleur et un sens de la composition certain. Toutefois, les fonds ne sont pas aussi réussis qu’on l’aurait souhaité; s’en dégage bizarrement une sorte de timidité ou de maladresse.
Les six extraits de Pour voir méritent réellement un temps d’arrêt. A leur contact, au fur et à mesure, des éléments se révèlent.
L’espace et sa richesse se dévoilent strate par strate ; minute par minute, un monde se construit. La création de ces espaces nécessite de la patience, mais également un savoir-faire. L’utilisation du scotch fait d’ailleurs ici joliment écho à l’œuvre de François Morellet réalisée dans la vitrine. Les deux pièces de la série Furtifs, sont comme des toiles de la série précédente qui auraient explosé, avec les miroirs, et se seraient reconstruites en volume, au sein de notre espace.
Les «peintures» présentées ici évoquent les toiles de Bernard Frize pour la méthode, Wrecking Ball de Brian Alfred, ou encore Philippe Lagaillarde, mais forment un ensemble cohérent et propre à Rémy Hysbergue.
Ce que nous montre l’artiste, à la galerie Jean Brolly, ce n’est pas une série d’œuvres en tant qu’aboutissement, mais des extraits d’une réflexion; une exposition en tant qu’un extrait de l’état temporaire de ses recherches.
Difficile de savoir précisément ce qu’il cherche, espérons simplement qu’il
ne le trouve pas. Car l’important ici n’est pas le but, la fin, mais le chemin emprunté pour y arriver. Sans doute est-ce sur ce chemin que l’artiste a eu le vertige, qu’il a eu peur de chuter, mais il avance et nous donne envie de le suivre.
Rémy Hysbergue
— Entre Deux (ED 0208), 2008. Acrylique sur toile. 110 x 90 cm
— Entre Deux (ED 0608), 2008. Acrylique sur toile. 110 x 90 cm
— Entre Deux (ED 0108), 2008.
Acrylique sur toile. 110 x 90 cm
— Furtifs, 2009 (F0109), 2008.
Acrylique sur PPMA. 103 x 102 x 30 cm
— Pour Voir (PV 0408), 2008. 126 x 110 x 7cm
Acrylique sur PPMA. 110 x 126 x 7cm
— Pour Voir (PV 0708), 2008.
Acrylique sur PPMA. 151 x 154 x 7cm
— Pour voir (PV 0508), 2008.
Acrylique sur PPMA. 121 x 166 x 7cm
— Pour voir (PV 1608), 2008.
Acrylique sur PPMA. 101 x 104,5 x 6,5 cm
— Furtifs, 2009 (F0209), 2008.
Acrylique sur PPMA. 150 x 180 x 25 cm
— Velours (V 0108), 2008.
Acrylique sur PPMA. 100 x 107 x 6,5 cm
— Pour Voir (PV 0308), 2008.
Acrylique sur PPMA. 103 x 106 x 7 cm
— Pour Voir (PV 1408), 2008.
Acrylique sur PPMA. 131 x 196 x 7 cm