Romain Boulay
Verticale monade
Mon travail artistique a commencé par la peinture. Ma démarche picturale s’inscrit dans le champ d’une «matériologie de la couleur».
Autrement dit, elle investit les questions du support, de la frontalité et de la spatialisation dans un dialogue permanent de la peinture et l’architecture. Il s’agit de révéler le tableau dans sa dimension d’objet, d’élément modulaire, de signe et, enfin, de sculpture à part entière.
Le constat d’origine est simple: la peinture est une excroissance sur un mur. C’est cet espace, cette distance du mur au plan de la peinture qui m’a amené à une réflexion sur la production formelle contemporaine.
L’abstraction qui peut qualifier mon travail se fonde, paradoxalement, sur l’importance que j’accorde à la matérialité la plus concrète du «tableau». En d’autres termes, la forme est le fond, la matière est le sens.
J’ai toujours construit mes châssis, et souvent passé plus de temps à la production de ce qui forme la peinture dans sa structure -que l’on peut nommer squelette de la peinture- et si peu de temps à peindre (mes premières peintures ne prenaient que quelques secondes).
Dans ce temps de construction, j’ai pu réfléchir sur la constitution même de l’oeuvre: ses matériaux. Réfléchir voulait alors dire: revenir à la matière. Réfléchir sur la peinture aboutit à revenir au bois, aux vis, à la toile. Aux outils aussi.
De ces réflexions, la sculpture est apparue naturellement dans mon travail, en déplaçant la question du plan. J’ai donc peint en volume, en démultipliant les plans et, ce faisant, en décollant la peinture du mur pour créer une nouvelle distance à la chose peinte.
Mon but n’est pas tant de faire passer la peinture pour de la sculpture mais de définir une distance, de créer de nouvelles relations entre la peinture et le volume, l’oeil et la lumière. […].
Mes constructions dans leur ensemble visent à montrer de l’invisible, cherche à rendre visible ce qui porte le visible. […]. De cette manière je fais de la peinture, de la sculpture, de l’installation et de l’architecture qui s’adresse à nos corps et interroge notre oeil dans sa puissance de dévoilement du réel et de construction du monde. […].»(Romain Boulay)
La démarche de Romain Boulay prend place auprès des formes les plus sophistiquées de réflexion sur la peinture, menées notamment aujourd’hui par des artistes tels Gerwald Rockenschaub, Miquel Mont ou Peter Vermeersch, où la peinture s’effrange avec d’autres médiums et dimensions (sculpture, architecture, installation) au bénéfice d’une augmentation de l’expérience sensible.