Yohann Gozard, Guillaume Robert, Florian Tiedje
Versé par les champs
À l’occasion des dix ans des Maisons Daura, l’exposition Versé par les champs fait dialoguer la vision fragmentée de trois artistes invités. Yohann Gozard initie une sorte de romantisme contemporain qui cherche à voir aux limites du visible. Ses images, prises dans la vallée du Lot lors de la résidence en 2010 et au-delà , demandent une attention particulière tant le motif lui-même semble dévoré par les ténèbres. L’artiste invite ainsi à la contemplation et à l’expérience du temps vécu. Prises de nuit avec des temps de pose très longs, il s’interroge sur les limites techniques de la photographie et les bords de la visibilité. Florian Tiedje revisite la rêverie et la mélancolie, lui qui arpente le territoire en marchant aux différentes saisons et à plusieurs années d’intervalle. Les sites repérés servent de cadre à la projection d’images mentales dans lesquelles l’artiste déploie une mise en scène sensible et un goût prononcé pour une théâtralisation sans emphase. De sa rencontre d’enfant citadin avec la nature il a conservé le sens du magique et sa puissance fertile. Ses photographies précises et rares réverbèrent des espaces naturels de la vallée qui répondent aux sentiments existentiels d’inquiétude, de quête d’identité, de sérénité et d’abandon. Enfin, Guillaume Robert invente une fable lyrique irréductible à toute morale. Avec Angola, film réalisé dans les paysages des causses et de la vallée du Lot en 2007, il tisse un jeu de rapports entre des textes, des corps et des paysages pour enclencher un récit fabuleux pris entre les feux d’une violence sous-jacente et un comique pince sans rire. C’est ce qui lui permet de se désencombrer de toute classification par l’accumulation d’amorces de fiction, défaisant continuellement ce qui vient se proposer.
Ces trois artistes ont en commun de travailler le paysage comme une matière. Leurs œuvres sont en retour travaillées et questionnées par elle, jusqu’à créer cet état où le doute s’instille dans la réalité et la féconde. Chacun participe spécifiquement à cette vision fragmentaire et donc composite du monde, vision autrefois célébrée par le romantisme. Aujourd’hui, avec ce background historique, il est question d’engager un dialogue qui assume sa position parcellaire – aucun interlocuteur ne détient de vérité – et la déplace dans l’espace d’exposition. Les histoires que les artistes nous racontent croisent le sublime et le rêve, le lyrisme et la radicalité en un même mouvement pour capter des bribes de réel et le métamorphoser. Il s’agit alors de se demander comment la combinatoire de formes hybrides et disparates continue à nourrir des réponses provisoires à la perception du paysage raconté. En effet, comment leurs visions respectives de ces paysages s’amalgament-elles dans le cadre d’une exposition ? De quelle façon l’exposition devient-elle une expérience de temps et d’espace ? Une expérience du paysage ?
Vernissage
Samedi 10 octobre à 18h30