Depuis 2008, a lieu chaque année une grande exposition d’art contemporain dans les salles et le jardin du Château de Versailles. Les directeurs de l’établissement souhaitent en effet confronter ce lieu historique à l’art de son temps et s’inscrire dans une longue tradition, Versailles ayant été décoré par les artistes les plus en vue des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
Mais ce genre d’événements a systématiquement recueilli les fureurs d’une partie du public, d’associations et de spécialistes de la sauvegarde du patrimoine. Chaque année, pétitions et manifestations ont tenté d’enrayer cette politique de l’établissement. Ce qui est décrié est le mélange des genres et la spéculation financière autour des stars de l’art contemporain. Certains vont même jusqu’à déplorer l’absence d’intérêt, voire la vulgarité, des oeuvres exposées.
Aujourd’hui, c’est l’artiste japonais Takashi Murakami qui fait l’objet des foudres.
Dès le mois de juin, le prince Sixte-Henri de Bourbon et l’association «Coordination Défense de Versailles» ont lancé une pétition intitulée «Non aux mangas au Château de Versailles», qui compte à ce jour 7579 signatures, dont celles de l’historien Marc Fumaroli et du conservateur Jean Clair. L’Union pour la Représentation Française y affirme: «La guerre déclarée à Versailles à l’intelligence, à la culture française et à la civilisation européenne est une guerre de représentation et ce sont les représentations qui sont la cible du néo-vandalisme spéculatif».
En septembre dernier, à la télévision japonaise, l’association a dénoncé avec fracas «un Hiroshima culturel à Versailles».
Le 15 octobre, par communiqué de presse, elle annonce finalement une action en référé contre l’exposition Murakami. Pétri de slogans réactionnaires, le texte sacralise Versailles, «symbole mondial de l’excellence, de l’art et de la culture française».
La famille de Bourbon, qui se présente comme descendante du roi Louis XIV, fustige la «profanation de l’oeuvre et de la mémoire de ses aïeux» et refuse que Versailles ne devienne une vitrine pour la promotion de l’art contemporain. Charles-Emmanuel de Bourbon Parme avait déjà entamé une action en référé contre l’exposition Jeff Koons en 2008. C’est à présent au tour de son oncle, Sixte-Henri de Bourbon, de renchérir. Sans tenir compte du fait que le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé sur cette question, en rejetant la requête de 2008…
REFERENCES
Communiqué de presse de l’association «Coordination Défense de Versailles» du 15 octobre 2010:
S.A.R. le Prince Sixte-Henri de Bourbon et les membres de la Coordination Défense de Versailles annoncent la double action en référé – pour atteinte au respect dû à l’œuvre de Louis XIV – qu’ils lanceront après leur conférence de Presse du vendredi 22 octobre 2010 à 11 heures, à l’hôtel de La Fayette.
Le Ministre de la culture Frédéric Mitterrand, le Maire de Versailles François de Mazières et Rémy Aron Président de la Maison des Artistes, étant invités, cette conférence de presse sera donnée en présence du Prince Sixte-Henri de Bourbon, de Me Rosny Minvielle de Guilhem de Lataillade, d’Arnaud Upinsky, Président de l’UNIEF/Coordination Défense de Versailles et de Pierre Gilou, Président du Comité de Défense des Artistes du Grand Palais. En agissant ainsi, les requérants ne visent qu’à apporter une traduction juridique ad hoc à la volonté démocratique du plus grand nombre des Français et des innombrables amis de la France:
— Conscients de porter l’universel sentiment de réprobation des Français et des étrangers du monde entier, amoureux de Versailles, contre l’intrusion de Murakami dans les Grands appartements royaux, ainsi que de 98 % des 40 000 artistes «contemporains» français exclus;
— En évaluant à plus de 90 % les prises de position médiatiques exprimées contre une telle atteinte au respect dû au symbole mondial de l’excellence, de l’art et de la culture française, ainsi qu’à ce lieu de mémoire et d’identité française faisant l’unanimité;
— En prenant acte de la dénonciation historique, sans précédent, des Japonais s’excusant auprès de l’Ambassade de France à Tokyo (après notre dénonciation d’un «Hiroshima culturel à Versailles», le 22 septembre 2010 sur Tokyo Metropolitan Television) de Murakami dans les Grands appartements royaux, du caractère inacceptable d’un tel outrage fait à notre joyau national, à notre culture, à notre Civilisation et à notre lieu de prestige unique; du fait que cette dénonciation recouvre toutes les sensibilités de la population, indépendamment de toute attache politique, sociale ou confessionnelle, comme en témoignent notamment les prises de position, répondant à notre appel depuis 2008, de l’ancien Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing; du précédent Ministre de la Culture Christine Albanel (RTL); des académiciens Jean d’Ormesson (A2); Marc Fumaroli, Président de la Société des Amis du Louvre; Jean Clair, conservateur général du patrimoine et ancien directeur du Musée Picasso; de l’acteur et écrivain Richard Bohringer; de l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius (FR3); de la Gauche Unie d’opposition du Conseil municipal de Versailles; de l’ensemble du personnel du château, des guides interprètes, des conférenciers et des touristes à plus de 95 %; des signataires de pétition de toutes appartenances populaires, sans compter les autres expressions de stupeur et d’indignation venant du monde entier.