Marine Joatton
Venir à bout des taupes
« (…) sans cesse les «figures» s’en retournent à leur état initial, c’est-à -dire à l’informe, au débris, à l’ébauche, au presque rien, voir au rien du tout, et à l’effacement quasi-total. Chaque apparition d’une tache sur le fond peut se transformer à tout moment en un doigt, en une jambe, en une moitié de corps, voir en une créature toute entière qui apparaît là comme un génie solide… Mais dès que la créature semble atteindre une sorte de plénitude qui la rendrait presque amicale, elle se démembre aussitôt, se délite, dégorge ; elle se défait dans les ratures et les effacements successifs jetés à la volée ; la figure retourne peu à peu à son fond originel, et c’est justement ce fond jamais stabilisé qui constitue peut-être la vrai matière de l’oeuvre, et non pas le fantastique ou l’invention des figures.
Marine Joatton travaille généralement à l’addition d’éléments expressifs qui vont coloniser peu à peu l’espace, et l’artiste se montre sur ce point particulièrement prolifique. L’espace de la feuille ou du tableau est pris en effet comme un champ d’expériences germinatives infinies. L’artiste oeuvre d’ailleurs autant à la multiplication de séquences graphiques «abstraites» (taches, macules, tracés incertains, gribouillis…) qu’à la multiplication d’indices plus ou moins figuratifs, dont certains sont clairement liés à un corps sexué. Les formes symboliques utilisées (doigts, cornes, phallus, branches, bourgeons, …) renverraient d’ailleurs à une sexualité naturante et proliférante, hors norme, dont l’élan vital transforme tout le fond en un champ fertile et panthéiste, délirant, saturé de semences et de corps en gestation, ébauches en devenir, vouées à l’autofécondation et à la multiplication… L’espace de la feuille ou du tableau ressemble alors au «champ ouvert» de la peinture pariétale, où les figures peuvent se recouvrir et s’enfouir les unes les autres à l’infini, et où les corps multipliés peuvent se développer in extenso dans toutes les directions de l’espace.»
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Marine Joatton, Venir à bout des taupes