Isn’t it Romantic? introduit l’exposition de la galerie Praz-Delavallade : la fameuse chaise Thonet, que l’on retrouve dans tous les vieux bistrots, est ici mise sous une cloche en verre à la manière des œuvres de musée. Faisant office de témoin précieux d’une forme d’artisanat de la fin du XIXe siècle, elle est pourtant détournée de sa fonction première, puisque son dossier a été renversé. Est-ce que cette chaise peut être de l’art? Peut-elle être, au même titre que la matrice originelle, exposée telle quelle? Le détournement, l’inconfort et le paradoxe de cette œuvre annoncent toutes les autres présentées ici.
Ainsi, Short Sighted Mirror présente un miroir non pas déformé ou déformant, mais brouilleur. Autre aspect central de la pratique de ces deux artistes : le brouillement des pistes, des significations. Ce jeu apparaît comme la volonté de révéler des paradoxes, des contradictions qui sont inhérentes aux objets et aux actions les plus banales. Le spectateur, en se mirant dans cette installation motorisée, ne voit son reflet net qu’à mesure qu’il s’en approche. Se connaît-on véritablement soi-même? Qui suis-je? Que vois-je? Le titre même révèle cette ambiguïté : «short sighted» signifiant à la fois «vu de près», lorsque les deux termes sont séparés, et «myope» lorsqu’ils sont attachés.
Le duo pousse donc le spectateur à venir voir de plus près, introduisant des éléments étrangers et étranges, seulement perceptibles lorsqu’on y prête attention. Comme les petits yeux de personnages de BD, qui ont été ajoutés sur la tranche des livres empilés dans Chorus. Transformés en éléments ludiques — la tranche a été également creusée pour faire apparaître un demi-cercle donnant l’illusion d’une bouche ouverte —, les objets du quotidien s’animent, gagnent en vie. De la même manière, dans Solar Spots l’abat-jour a été obstrué pour laisser passer plus de lumière et donner l’illusion que la lampe possède des yeux.
Fasciné et inspiré par le prosaïque, Vedovamazzei pioche dans le quotidien et le domestique les matériaux et le thème de ses œuvres: sofa, néons, chaise, ampoules, abat-jour sont détournés à la sauce dada — l’ironie — et conceptuelle — la réflexion sur le rôle de l’art. Pour interroger le sens de l’existence actuelle, en prenant en compte sa dimension parfois absurde, tragique ou heureuse avec, comme point de départ, les objets usuels du quotidien.
The Swimmer, inspiré par le film réalisé en 1968 par Frank Perry et avec Burt Lancaster, montre des ampoules, formant une chaîne, posées sur un cube blanc dont l’un des côtés est orné d’un néon bleu annonçant le titre de l’installation.
Dans le film, le personnage principal, invité à une garden party, décide de rentrer chez lui à la nage en traversant la chaîne de piscines qui le sépare de sa maison. Métaphore d’une rivière à remonter, cette épreuve représente la chaîne du temps, ponctuée par les événements qui marquent sa vie ; ses voisins et ses amis sont les témoins de chaque étape, chaque moment important de son existence.
Présentée dans la série de dessins au crayon, la vie prend la forme d’un univers familier, conté à travers l’histoire d’un sofa rouge. Vu de dos, de face, de côté, ce dernier sort du cadre du dessin et on le retrouve en trois dimensions, lacéré comme dans l’une de ses représentations.
What a Life, Guys!, pièce inédite spécialement conçue pour cette exposition, agit comme un leitmotiv, résumant à la fois l’ironie des propos du couple d’artiste sur l’existence et le choix très trivial des matériaux utilisés.
Vedovamazzei :
— Isn’t it romantic 3, 2004-2005. Chaise Thonet, verre. 53 x 75,5 x 45,5 cm.
— Short Sighted Mirror 2, 2002-2005. Miroir, acier, engine. ø 40 cm.
— Chorus, 2005. Bois, livres. 30 x 30 x 35 cm.
— Solar spots, 2005. Bois, lampe. 30 x 30 x 35 cm.
— Why?, 2005 / Just a song before I go, 2005 / Oussy love! prrr!, 2005 / Sucess is never final, 2005. Crayons de couleur sur papier. 61 x 51 cm.
— The swimmer, 2005. Ampoules, pens of varnish to water, néon, lumière, bois. 200 x 200 x 40 cm.
— What a Life, Guys !, 2005, Sofa, néon. 187 x 140 x 90 cm.