Les images de la vidéo sont visibles de la rue. Derrière la vitre de la galerie, on voit évoluer le corps de la danseuse — tenant une guitare — sur un fond de paysage (collines, nuages, horizon indéfini). Le mouvement tournant de la caméra est redoublé par le fait que le personnage, une silhouette plus qu’une figure identifiable, se trouve, semble-t-il, sur un terre-plein. Redoublement mis en abyme par la diffusion en boucle de cette scène en grand format, à la fois proche et lointaine.
Lorsque l’on pénètre dans la galerie, on perçoit alors l’importance de la musique qui sous-tend le flux des images, une musique délicate et mélancolique, assez obsédante. Une musique qui s’étend jusqu’au fond du deuxième espace d’exposition. Et là , d’autres images se répondent, des images vivement colorées, discrètes aussi, très finement composées.
Du gros plan (une tache, un capot de voiture, un jardin) aux perspectives en apparence banales (une route, une façade de maison, un champ, un autre jardin), de la série aux diptyques, du « tableau dans le tableau », un monde particulier semble s’ouvrir au regard de celui et de celle qui ne manqueront pas d’y ressentir des résonances intimes.
Le voyage intérieur s’enrichit d’images dont les lieux ne sont pas nommés, car ils renvoient aux paysages non nécessairement nommables de notre mémoire collective. Nous savons que cette route ressemble aux routes que nous avons empruntées, au cours de promenades d’été; que ce chat qui apparaît derrière une fenêtre, nous l’avons aperçu autrefois, autrement, mais tout aussi énigmatique et présent.
Cécile Paris saisit ce qui s’impose à elle, comme surgissement d’un réel toujours singulier. L’anonymat serait bien quand même une manifestation forte de notre humanité et la nature, les objets, leurs agencements, troublent en permanence toute posture définitive.
La couleur des photographies de Cécile Paris est aussi étincelante que le désir de vivre, d’aller voir ailleurs comment existent les choses et les gens. Mais ces images disent également que notre environnement immédiat, en devenir et en fixités, peut révéler des surprises, offrir de minuscules traversées où d’autres rencontres s’effectuent.
Rencontres avec notre mémoire, nos pulsions, notre fatalité peut-être. Cette exposition nous invite à explorer poétiquement mais sans complaisance ce qui nous a construit, ce que ce monde nous réserve. Cécile Paris aime Blow Up, mais aussi la peinture de Rothko, les photographies de Jeff Wall, celles de Walker Evans. Sans doute continuera-t-elle d’expérimenter les possibilités de la vidéo et du cinéma, à l’aune d’un monde personnel qui capte avec une insatiable curiosité le temps, l’espace et leurs déploiements inattendus.
Cécile Paris
— Entournée, 2002. DVD vidéo en boucle, 6’13. Musique Renaud Rudloft.
— Briller (1 & 2), 2002. 2 caissons lumineux. 50 x 70 cm chacun.
— Alerte, 2002. Série de 6 tirages photos en couleur sur châssis. 26 x 40 cm chaque.
— Intuition (1 & 2), 2002. 2 tirages photos sur châssis. 67 x 100 cm chaque.