Confiant à des machines le soin d’exécuter leurs intuitions, les « artistes » de la galerie Pascal Vanhoecke nous dévoilent indirectement le sens de leurs univers. Entre science-fiction et ready-made, leurs créations sont le fruit d’un temps troublé qui ne sait plus ce qu’est la nature, ni même s’il faut encore chercher à l’imiter.Â
Dépourvues de sens et d’intention, les sculptures non-sculptées de Peter Sandblichler se jouent de notre pragmatisme. Elles l’excitent, y font allusion – mais s’y dérobent dès que nous voulons nous en servir. Reflet d’un monde d’objets devenu intégralement synthétique, elles piratent notre attachement inconscient aux emballages marketing pour mieux nous en faire saisir l’inconsistance et la beauté vicieuse. Toutes entières dévouées à la parousie d’un monde de synthèse – époxy, plastique, polyestère, etc. – elles sont l’écho assourdit de l’importance qu’a pris aujourd’hui le design dans un monde s’évidant progressivement de son fond.
Explorant la polarité inverse de cette mutation, les photos thermographiques de Stéphane Reusse s’insinuent au cÅ“ur de la nature pour mieux dévisager son innocence. Défiant ses lois et empiétant sur ses espaces, elles dépassent la simple observation pour en faire un art de l’espionnage. Naguère chargée de crainte et de respect, l’image du loup devient ici celle d’une bête surprise dans son vagabondage. Lorgnant l’objectif avec circonspection, ces bêtes censées êtres sauvages se révèlent à nous dans leur absence : Incapables de saisir notre présence, elles semblent comme figées dans leur attente en nous rendant ainsi coupables de voyeurisme.Â
Que le monde moderne s’achève dans le règne de la technique relève de l’évidence. Mais qu’il s’immisce dans nos consciences et remodèle en profondeur le sens de nos présences voilà qui l’est beaucoup moins. Comme l’écrit si justement Jean-Luc Nancy, « L’écothéchnie fonctionne avec des appareils techniques sur lesquels elle nous branche de toutes parts. Mais ce qu’elle fait, ce sont nos corps, qu’elle met au monde et branche à ce système, nos corps qu’elle crée ainsi plus visibles et plus proliférants (…) C’est dans la création des corps que l’écotechnie à ce sens, qu’on lui cherche en vain dans des restes de ciel ou d’esprit.» (Jean-Luc Nancy, Corpus, Techné des corps)
Ainsi, plus que d’explorer le réel à travers de nouvelles techniques, l’exposition Variations nous révèle le sens que produit en nous le monde moderne : un attachement inconscient aux objets de synthèse et la tentation du voyeurisme. Entre l’œuvre et sa disparition se joue le destin hésitant de la « techné ».
Stephan Reusse
— Wolf, C-Prints/Diasec. 180 x 240 cm
Peter Sandbichler
— 1 the midnighter, 2006. Technique: epoxy résine, bois. 224 x 112 x 12 cm
— 2 by mistake, 2003/07. Technique: epoxy résine. 4 parts à 30 x 60 x 16 cm
— 3 untitled, 2002. Technique: polyester. 68 x 170 x 8 cm
— 4 untitled, 2006. Technique: PVC. 180 x 100 x 50 cm
— 5 untitled (lamp), 2002. Technique: polyester. 90 x Ø 37 cm
— 6 untitled, 2003. Technique: acrylic glass, deep drawn. 6 parts, each 48 x 84 x 4 cm
Michaël Sellam
— The flying dutchman, 2007/2008. Installation vidéo (HD sur disque dur). Durée approx. 1h23 mn