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Variationen

Variations sur un même thème. L’artiste luxembourgeoise joue la carte de la déclinaison. Pas de pièces sonores pourtant mais l’exploration de la matérialisation du son, faisant intervenir mémoire, espace-temps, poésie et du silence, beaucoup de silence. Un silence bienvenu.

Alors forcément, lors de la répétition d’un morceau maintes fois exécuté, il existe autant de versions différentes et naturellement inégales. Variationen n’échappe pas à la règle. Les œuvres White Noise, boîte laquée sur laquelle tourne un vinyle recouvert de billes blanches, et Floating Memories, une vidéo d’un disque déformé, paraissent se répondre. Le dialogue qui s’installe entre les pièces et celui d’un silence contradictoire où le disque, inutilisable, tourne à vide.
Au-delà du simple jeu fonctionnel, Su-Mei Tse réintroduit la sensation dans un dispositif à première vue relativement froid. Floating Memories agit comme une hypnose, échappatoire permettant toutes les divagations, porté par le mouvement et le rythme, comme un retour à la base de la musique.
White Noise s’articule plus comme un paysage tournoyant faisant dès lors écho à Mistelpartitur, photographie de forêt ponctuée de points lumineux, transcription d’une partition musicale qui replace l’œuvre dans les tentatives de distance du compositeur avec la notation traditionnelle, telle que l’ont pratiqué la «génération de 1925» puis Cage et consorts.

Si Goldberg Variationen (1955-1981), comparaison de deux versions (1955 et 1981) des Variations Goldberg de Bach interprétées par Glenn Gould, est loin d’être inintéressante (on s’aperçoit qu’il en joue une plus vite et plus forte, condensée dans l’énergie), c’est sa matérialisation sous forme de pistes sculptées dans le bois qui laisse perplexe.
On peut penser à Partition 01 de Nicolas Fenouillat lors de l’exposition la «Force de l’Art 02, Paris», ou encore à Interception de Bettina Samson pour Rendez-Vous 09, Villeurbanne, qui, à leur tour, tentent de rendre visible le son à travers son image extraite du graphisme délivré par l’ordinateur.
Et toutes ces œuvres sont également réalisées en bois: l’appel de la nature ? N’existe-t-il pas de manière autre pour permettre d’appréhender le matériau sonore ou délivrer les bouleversements de la vie de Gould par le temps, entre urgence et tempérance, qu’une énième piste émergeant d’un parquet flottant ?

Toujours dans cette variation inégale, l’enseigne Jetzt = Jetzt (Now = Now) qui s’allume et s’éteint alternativement, couplée à une citation de Merce Cunningham (Appropriation #1), sont deux tentatives de réappropriation du temps et de la sensation par le corps. Un métronome et une action par la pensée pour une prise de conscience spatio-temporelle et existentielle qui n’atteint que modestement son but initial.

Reste Sound for Insomniacs
, cinq photographies de gros plans de têtes de chats desquels on peut écouter au casque leur ronronnement respectif. Une œuvre qui fait la part belle à l’interprétation. On pourrait se contenter de la vision de l’artiste, poésie thérapeutique et légèrement doucereuse sur le soulagement apporté par l’animal, à la recherche du particularisme de nos interactions.
On peut tout aussi bien lire dans ces «visages» alignés une sorte de groupe magique, à la limite des «corpse paints», qui jouerait un drone halluciné et qui ferait basculer Sound for Insomniacs dans une fantasmagorie, certes toujours poétique, mais fantastique. Une lecture annonçant le réveil de l’œuvre.

Liste des œuvres
— Su-Mei Tse, White Noise, 2009. Sculpture en mouvement : disque vinyle, billes blanches, bois, plaquage de palissandre, moteur électrique.
— Su-Mei Tse, Sound for Insomniacs (Son pour Insomniaques), 2007 (en collaboration avec Jean-Lou Majerus). Installation photographique et sonore : cubes d’assise en bois, lecteurs MP3, casques, 5 photographies. 104 x104 cm chacune.
— Su-Mei Tse, Jetzt=Jetzt (Now=Now), 2008. Cadran lumineux avec lettrage clignotant «Now».
— Su-Mei Tse, Mistelpartitur (Mistle Score), 2006. Tirage couleur contrecollé sur Dibond sous diasec. 210 x 120 cm.
— Su-Mei Tse, Goldberg Variationen (1955/1981), 2009 (en collaboration avec Jean-Lou Majerus). Sculpture en bois de noyer. 800 x 240 cm.
— Su-Mei Tse, Appropriation #1. Lettrage, citation de Merce Cunningham.
— Su-Mei Tse, Floating Memories, 2009. Projection vidéo et son.

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