Communiqué de presse
Su-Mei Tse
Variationen
Violoncelliste de formation, Su-Mei Tse opère dans son travail une synthèse poétique du son, de l’image et du corps traversant les questions de temps, de respiration et de mémoire. Construite comme une partition, l’exposition «Variationen» devient une orchestration sans fin. Tenant compte de la tonalité et du rythme entre les oeuvres, chacune oscillant entre temporalités, flux, mesures et nuances, le vocabulaire musical est travaillé tel un matériau avec cette constante idée de visualiser le son.
Dés lors, ayant la mesure exacte, acceptant les résonnances et dissonances, Su-Mei Tse pratique l’art du contrepoint, de l’écart, du détournement et du déplacement. «[…] C’est peut-être le creuset culturel dans lequel a baigné Su-Mei Tse (née dans la cosmopolite Luxembourg d’un couple sino-britannique) qui préside au choix de l’artiste de se confronter, en tant que plasticienne, à la question du langage universel que représente la musique. C’est en effet le motif musical, dans tous ses aspects métaphoriques, qui draine tout ce travail déployé en films, photographies, performances, sculptures et installations.»
De cette double formation musicale et artistique, de ces origines multiples, tout devient question de mélange, de multiplicité et de contraste donnant toute son importance à l’idée du «sous-entendu». L’exposition s’ouvre sur le silence avec l’oeuvre «White Noise». «Ayant la forme d’un meuble sculpté, en bois laqué à l’ancienne, un disque 33 tours dont la vitesse est ralentie tourne indéfiniment avec des poussières sphériques blanches posées dessus. C’est un peu comme si j’avais sculpté la poussière pour la mettre en évidence en lui donnant la forme de petites notes» précise Su-Mei Tse. Cette «boîte à silence» s’inscrit dans un temps qui préfigure le son, ce moment avant que la musique ne commence. «J’aime jouer avec les mots et je m’intéresse beaucoup aux nuances qui existent d’une traduction à l’autre. L’expression «white noise» en anglais, reprend l’idée de neige sonore, le silence qui devient audible. Je dis «neige» mais dans le langage sonore, cela n’existe pas vraiment, c’est la neige de l’expression «Tv snow» que j’emprunte. Ce moment à la télé quand rien ne se passe.»
La prégnance du son est alors essentielle dans le travail de Su-Mei Tse. Dans l’installation Sound for Insomniacs, elle exprime à travers l’image et le son, son intérêt pour la singularité et l’individualité de chacun. L’artiste a enregistré le ronronnement de cinq chats différents, photographiés en gros plan, chacun ayant une expression presque humaine. Non sans humour, cette «berceuse» invite à l’expérience de notre sensibilité personnelle et individuelle.
La photographie Mistelpartitur, sous forme d’un extrait de script pour la vidéo Mistelpartition, montre un paysage formé d’une lignée d’arbres qui apparaît comme une partition musicale. Celle-ci est visualisée par des illuminations émanant du gui des branches hivernales – magique reflet d’une mélodie oubliée. Goldberg Variationen est la pièce la plus récente de Su-Mei Tse se référant aux expérimentations et virtuosités musicales de Glenn Gould, connu entre autres pour ses deux fameux enregistrements des Variations Goldberg de Bach (1955 et 1981). Il s’agit là de la visualisation d’un même morceau de musique, mais enregistré à un temps et une maturité différents dans la vie de Gould. En sculptant le son, Su-Mei Tse transpose et donne forme à ces interprétations remarquables et uniques.
The Master of Go, Le coup fatal s’inspire du jeu de stratégie combinatoire ancestral inventé en Chine (une forme d’échec complexe et subtil). L’artiste s’intéresse à la subtilité du jeu et sa qualité de mystère plutôt qu’aux règles bien précises. C’est justement l’ignorance des règles de ce jeu (symbolisée par le gommage de l’échiquier) qui permet d’apprécier, au sens pictural, ces constellations abstraites. L’artiste se réfère aux positions des pions d’une partie historique de 1938 décrite par Yasunari Kawabata dans son livre Le maître ou le tournoi de Go, une réflexion mélancolique sur le passé et une méditation sur la mort.
Cette 4e et dernière photographie de la série présente le moment fatal du vieux maître, le coup 130 quand «l’armée» noire (pions de l’adversaire) l’envahit, annonçant sa perte prochaine. Ayant tout donné durant ce jeu interminable, le vieux maître meurt quelques mois après. Endurance et persévérance deviennent les maîtres mots de la vaillance, de la force vitale.
Dans la vidéo Floating Memories, un vieux disque 33 tours, légèrement tordu par l’usure tourne lentement. Notre regard est pris par ce léger mouvement ondulatoire. Métaphorique et poétique, l’image est une plongée réminiscente, celle d’un souvenir d’enfance comme un lointain mirage. Ressassant et constant, le crépitement sonore produit par le diamant sur un vinyle qui tourne à l’infini fait revenir à la surface les souvenirs flous d’un passé. De nombreuses pièces sont issues d’un dialogue et d’une collaboration étroite de Su-Mei Tse avec son partenaire Jean-Lou Majerus.
Son oeuvre Some Airing a été distinguée, en mai 2009, du Prix international d’art contemporain de la Fondation Pierre de Monaco,
Vernissage
Jeudi 22 octobre. 16h-20h.
critique
Variationen