L’espace 315 s’est démultiplié en une immense galerie sous le coup de l’intervention magique de l’illusionniste Veilhan. Le Mur du fond, qui en est une réplique en trompe-l’œil, fuit selon les règles de la perspective géométrique jusqu’à un point irradiant une lumière quasi divine. En jaillit, bondissant au-dessus des visiteurs, un zodiac en 3D et grandeur nature, pilotes accrochés aux commandes. Cette puissance en suspens, comme une exaltation futuriste du mouvement et de la vitesse, pénètre un espace curieusement feutré. Silencieux, et plongé dans la pénombre. Un espace trouble.
Aux trucages illusionnistes vieux comme le monde (du spectacle) s’y mêle la pixellisation des technologies numériques. Non pas pour plus de vraisemblance trompeuse — formes taillées à la serpe, rendu indifférencié de la matière et espace borné évoquent plutôt les jeux vidéos de première génération — mais pour des échappées inattendues. La Grande Light Machine Jet, placée dans la ligne de mire du zodiac, est une matrice de pixels sommaires — 1536 ampoules tungstène à intensité variable —, qui diffuse en boucle une scène d’embarquement et de décollage d’avion. De loin on pense à un vieux film de suspense enrayé, de près on sent la chaleur des réacteurs, ébloui par des clignotements abstraits et aléatoires.
Les paysages qui bordent la trajectoire virtuelle du zodiac n’en sont plus que des fantômes. Réduits par un modèle de pixellisation en noir et blanc, ils offrent une trame de projection pour une multitude d’autres paysages, rêvés ou déjà vus.
Ces images fuient de toute part. Toute certitude représentative en est évacuée. N’en reste que la substance imaginaire, mise à nu en même temps que la lourde machinerie qui les génère.
Xavier Veilhan
— Le zodiac, 2004. Polystyrène, bois, structure métal, résine polyester. 120 x 280 x 200 cm.
— Grande machine lumineuse, 2002. Dispositif électrique et électronique, aluminium, ampoules. 280 x 160 x 70 cm
— Paysage fantôme 7 (La défense) , 2004. Aluminium laqué sablé. 225 x 150 x 4 cm.
— Paysage fantôme 8 (Stade de France) , 2004. Aluminium laqué sablé. 225 x 150 x 4 cm.
— Paysage fantôme 9 (Mulhouse) , 2004. Aluminium laqué sablé. 225 x 150 x 4 cm.
— Paysage fantôme 10 (Dourdan) , 2004. Aluminium laqué sablé. 225 x 150 x 4 cm.
— Paysage fantôme 11 (Reims) , 2004. Aluminium laqué sablé. 225 x 150 x 4 cm.
— Le Mur du fond, 2004. Installation in situ. Impression numérique sur bâche.