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Vanessa Beecroft

PProvoke, entre contestation et performance, la photographie au Japon 1960–1975
@12 Jan 2008

VB 51 : un film sur le temps, la durée, qui désagrège et morcelle les souvenirs. Film d’une performance qui a été tourné en une fin d’été, dans l’une des vastes demeures de l’aristocratie allemande, le château de Vinsebeck...

VB 51, la pièce principale de l’exposition de Vanessa Beecroft à la Cosmic Galerie, est un film sur le temps, la durée, qui désagrège et morcelle les souvenirs en mille petites pièces.
C’est le film d’une performance qui a été tourné en une fin d’été, entre la fin août et le début septembre. Période propice aux résolutions, mais aussi à la mélancolie due à l’approche sourde de l’hiver.

Rien d’étonnant, donc, que la performance se déroule dans l’une des vastes demeures de l’aristocratie allemande, le château de Vinsebeck appartenant au comte Peter Metternich. Et que l’image qui ouvre et ferme le film soit celle d’un cygne, vagabondant dans les eaux étincelantes d’un lac, à l’heure où vibrent les derniers rayons du soleil. Car le cygne est un animal gracieux, noble, cruel et mélancolique. C’est lui qui inspira les lieders les plus douloureux, les plus sombres et profonds de Franz Schubert, les chants illustres de Der Schwanengesang.

Le blanc des murs du grand salon où se tient la performance est laiteux, presque vaporeux. Dans cette pièce rectangulaire au style discrètement baroque, sont réunies vingt-cinq femmes de différents âges et aux physiques bigarrés. Certaines étant manifestement issues de la même lignée, d’autres n’ayant apparemment aucune relation filiale ou amicale. Leurs postures hiératiques sont accentuées par des vêtements amples et blancs, entre la toge romaine et la robe de nuit.
Formant une sorte de cercle homogène, ces femmes semblent appartenir à un autre monde. Leur regard, tout comme leurs expressions de visage, sont suspendus vers cet au-delà inaccessible qu’est l’intériorité.

D’un côté le monde des vivants, de l’autre celui des morts. L’écart est souligné par la présence des spectateurs autour de ce cercle fantomatique. Leur attitude concentrée tranche nettement avec celle, beaucoup plus évanescente et spectrale, des figurantes.
La caméra circule entre ces deux mondes. Elle filme les profils de ces spectateurs privilégiés, tous très élégamment vêtus, puis revient frontalement aux femmes. Chacune à sa manière va lentement s’asseoir de biais, se tourner d’un côté, puis de l’autre, se coucher et se remettre debout, dans des mouvements singuliers qui ne font aucun écho à ceux des autres.
L’autonomie et la lenteur des mouvements accentuent la distance qui les sépare les figurantes. Chacune semble porter en elle une histoire, une tragédie qui, bien qu’indicible et incommunicable, les relie mystérieusement.

Les deux plus jeunes femmes portent des robes qui, telles des fleurs renversées, soulignent le galbe de leur taille. Leur visage respire la fraîcheur, la curiosité et l’innocence. Elles paraissent attendent patiemment que le mariage les émancipe symboliquement de l’autorité maternelle.
Les deux plus vieilles femmes sont en habit noir de deuil. Comme les plus jeunes, elles sont les seules à être habitée par la douceur et la sérénité, plutôt que par l’absence et le doute. Comme si le veuvage les avait délestées du poids encombrant du temps.

C’est Hanna Schygulla, actrice fétiche du réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder, qui joue l’une des « veuves ». Dans une scène magistrale, elle s’allonge au centre du cercle et entonne une longue et douce complainte atemporelle, sur une mélodie tirée du Voyage d’hiverde Franz Schubert.
À ce moment intense les destins de toutes les femmes semblent se réunir et s’embraser. La mélodie froide, animée par un souffle ténu, illustre la sensation d’un temps, qui est source de bonheur, de sérénité, d’angoisse et de mélancolie, et qui débouche sur la mort.

À partir de VB 51, Vanessa Beecroft a tiré des photographies de petits, moyens et grands formats qui reprennent certaines scènes de la performance. Leur légère surexposition et l’usage du grand-angulaire soulignent le caractère mystérieux et fantomatique des postures et expressions.
Les petits formats sont des portraits des femmes aux physiques les plus singuliers. Les visages pris de biais et en contre plongée deviennent abrupts, et les regards fuyants, presque flous, étrangement inquiétants.

Vanessa Beecroft
— VB 51— Schloss Vinsebeck, 2002. Film 16 mm transferé sur digi-ß, 60’.
— VB 51— Schloss Vinsebeck, 2002. Photo couleur digitale. 177,80 x 228,60 cm.
— VB 51— Schloss Vinsebeck, 2002. Photo couleur Fuji crystal archive. 122 x 160 cm, 142 x 180 cm encadrée.
— VB 51— Schloss Vinsebeck, 2002. Série de 7 portraits. Photo couleur Fuji crystal archive. 63,50 x 83,80 cm chaque.

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