— Éditeur : Hazan, Paris
— Collection : « Monographies » d’artistes contemporains
— Année : 2002
— Format : 24 x 18 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 112
— Langue : français, anglais
— ISBN : 2-85025-852-0
— Prix : 18,40 €
La ville
par Valérie Jouve (p. 5)
La ville : une machine, mais aussi une chimie, une réalité impossible à embrasser, à tenir, une sensation irraisonnée. La photographie: une inscription abstraite, un processus fascinant, mais aussi une vision mécanique du monde, une autorité du vraisemblable, et donc une certaine authenticité. C’est l’outil le plus approprié à la machine urbaine, parce qu’il l’accompagne dans l’acceptation générale du contrôle. Pourtant, il y a plusieurs mondes qui tirent dans des directions différentes. La ville produit toujours : des lieux, des gens qui ne vont pas dans le même sens; des corps singuliers qui s’affirment dans leur seule présence, leur posture, leur conscience. Seulement, pour le moment une voix éteint l’autre. L’ordre pourrait-il avoir le dernier mot ? Les « personnages » (au sens romanesque) posent cette question, simultanément, ils inventent, construisent des villes utopiques et leur propre projection.
La photographie, comment peut-elle tordre l’ordre établi par sa seule vision optique ? Comment rejouer la sensation au-delà des règles mathématiques ? Je me moque des qualités requises, puisque j’aimerais approcher au plus près de l’abstraction de la chose, de son sens ultime; hors réalité, sans aucune confiance en ce qui concerne la relation de l’image au réel.
Des mouvements, des rythmes : la photographie est voisine de la musique. James Agee a posé un langage, des mots très simples pour imaginer une composition visuelle, au sens musical du terme [The Collected Short Prose of James Agee, Houghton Mifflin, 1968]. Pas d’utilisation esthétique du mur mais la nécessité d’une sonorité qui habite l’espace. Habiter l’espace. Des images se succèdent, se questionnent, opposent des mondes et des corps. Le rythme, les tonalités utilisent les images pour une composition visuelle; le temps d’une page, le temps d’un lieu. Les images, elles, pré-existent au montage; chaque image est une histoire, et chacune, à sa manière, taquine la tromperie de la photographie. Les collages, l’évacuation de la perspective, des signes, toutes les contorsions à la règle m’apportent du plaisir et tirent l’outil vers des horizons étrangers. Pourtant, un regard est porté sur nous, sur la société des hommes, voici la photographie, compagne d’observation. Passer ma vie à déambuler dans mon époque me convient, si j’accompagne ce mouvement que j’ai choisi. La ville est une matière « extraordinaire », presque une folie. Le montage porte le mouvement, la mise en mouvement, un jeu harmonique ou un jeu en rupture, la tonalité du corps du violoncelle ou le souffle immatériel des sons électroniques. Ce montage a été travaillé en même temps que le film [Le Grand Littoral de Valérie Jouve, en préparation], il s’en est nourri. Je livre ici une composition, elle fait sens, pour moi aujourd’hui. Travailler ce montage pour le livre accompagne mon travail, c’est donc mon travail. Dean Inkster travaille l’espace de l’écriture. C’est son espace, sa pensée, et les questions posées sont pour moi comme un écho.
(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Hazan)
L’artiste
Valérie Jouve est née en 1964 à Saint-Étienne. Photographe et artiste, elle vit et travaille à Paris. Elle intervient régulièrement à l’École des beaux-arts de Lyon.
L’auteur
Dean Inkster, né en Nouvelle-Zélande, est écrivain. Il enseigne l’histoire et les théories de l’art à l’École régionale des beaux-arts de Valence.