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Václav Stratil

La photographie d’identité (ou Photomaton) comme moyen de garder trace de travestissements et de détournements. Les autoportraits de Stratil sont incongrus et figent, de manière impersonnelle, une action conçue d’abord comme une performance, c’est-à-dire un acte personnel et engageant.

— Éditeur : Centre national de la Photographie, Paris
— Année : 2002
— Format : 23,50 x 24 cm
— Illustrations : nombreuses, en noir et blanc
— Pages : 59
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-86754-130-1
— Prix : 13 €

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste au Cnp

Vàclav Stratil
par Fabienne Fulchéri (p. 9)

Vàclav Stratil livre, depuis plus d’une dizaine d’années, son visage à l’impersonnel objectif d’un appareil Photomaton. De ces nombreux autoportraits, qui s’échelonnent dans le temps, l’artiste en extrait parfois quelques-uns, qu’il choisit de faire tirer en noir et blanc et d’agrandir. De ce tirage unique ne subsiste jamais aucun négatif, la photographie d’identité ayant servi d’image source. Au sens propre comme au sens figuré, il s’agit bien au départ d’une question d’identité. Rien de moins innocent, en effet, dans le choix d’un procédé qui relève généralement plus de la formalité administrative que de l’acte artistique. Vàclav Stratil déjoue les codes attachés à un genre qui obéit à des règles strictes : une « bonne » photographie d’identité doit dater de moins de trois mois, être réalisée de face, tête nue, sur fond neutre, et être parfaitement ressemblante. Or, ces œuvres nous montrent un personnage aux multiples visages, souvent travesti, et arborant des poses incongrues. Difficile, par ailleurs, d’établir une datation précise, tant la métamorphose apparaît parfois profonde. Mais la véritable force de ces photographies réside peut-être dans cette simplicité, et cette authenticité qui font oublier la manière dont elles ont été conçues. Imposantes par leur format et par le face-à-face qui s’engage en leur présence, les autoportraits de Vàclav Stratil percent l’âme de ceux qui les contemplent. Tour à tour drôle et tragique, l’artiste joue sur un large registre de sentiments, n’hésitant pas à mettre en scène et à démystifier les attributs du pouvoir : on le voit brandir la faucille et le marteau, le regard dissimulé derrière des lunettes de soleil, et ailleurs, apparaître nu, en buste, comme désarticulé, une cigarette à la main. Principal acteur de ces interventions, le corps de l’artiste est devenu le support privilégié de sa démarche, qui relève finalement plus de la performance que d’un travail photographique traditionnel. Pratiquant la photographie un peu malgré lui, il privilégie le support lui permettant de mettre en œuvre son obsessionnelle quête d’identité. Ce n’est pas, en effet, dans le médium que l’on trouvera la clé de l’œuvre de Stratil, mais dans sa philosophie de la vie. Plasticien, mais surtout poète, il s’est illustré dans des domaines aussi divers que la peinture et la musique, participant activement aux milieux alternatifs praguois. Ses dessins monochromes, exécutés à l’encre de chine dans les années 1980, possèdent déjà cette dimension spirituelle et méditative. Teinté d’un réel mysticisme, son œuvre dépasse aujourd’hui largement les frontières de la Tchéquie : la critique politique et sociale sous-jacente affleure encore, tout en laissant place à un message de plus en plus universel.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du Centre national de la Photographie)

L’artiste
Václav Stratil est né en 1950 en Tchécoslovaquie. Il vit et travaille à Prague, République tchèque.

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