ART | CRITIQUE

Utopie passagère

PAurélie Wehrlin
@12 Jan 2008

Rémy Hysbergue peint par séries et par cycles. Dans le cycle Utopie passagère, il interroge la peinture, en particulier la surface. Pour l’occasion il a délaissé la toile au profit du komacel (mousse de PVC blanche et lisse) et du miroir, deux matériaux dépourvus de trame.

L’utopie porte en elle l’ambition d’élargir le champ du possible, et de l’explorer. C’est bien le projet de Rémy Hysbergue qui explore la peinture de l’intérieur pour l’interroger sur son essence même, pour mesurer ses potentialités, et tenter d’en reconstituer une cohérence. Telle est sa démarche qui s’exprime dans sa première exposition personnelle à la Galerie Jean Brolly.

Depuis plus de dix ans, Rémy Hysbergue travaille par cycles. Utopie passagère rassemble des tableaux formellement très différents issus des trois dernières séries: «Chaque jour», «Spectral», «Pour l’instant». Les questions mises en œuvres portent sur ce qui fait la peinture, en particulier la surface. En quoi la surface participe-t-elle, avec la touche, au style?
Dans les séries ici présentées, Hysbergue délaisse la toile au profit du komacel (mousse de PVC blanche et lisse) et du miroir, deux matériaux dépourvus de trame.

La série «Pour l’instant» utilise donc le miroir comme support. Ces grands miroirs peints suscitent le mouvement du spectateur devant l’œuvre, et la transformation de l’image selon l’angle d’incidence, sur le principe de l’hologramme.
En valorisant le geste, Hysbergue fait là signe vers l’abstraction lyrique des années 60. Il combine les effets de gestes avec des raclures et des striures. Son geste est aussi une agression directe contre le support, jusqu’à, par endroits, casser la surface du miroir. Tandis que le miroir absorbe partiellement le spectateur dans la «toile», la peinture et le geste du peintre freinent son immersion totale.

A l’inverse de la liberté du geste des tableaux de la précédente série, ceux de la série «Chaque jour» sont réalisés selon un procédé très rigoureux, presque mécanique: à trois applications d’adhésif de masquage succèdent trois passages à la spatule «dans le frais».
On pense alors à l’Op Art des années 70 dont les œuvres mettent l’œil à l’épreuve en jouant sur des illusions d’optique. Les toiles rappellent des détails d’images numériques mouvantes, agrandies à l’excès, qui interdisent au regard de se stabiliser. La sensation de trouble optique se combine avec une séduction du regard qui est captivé par le désir d’accéder à un motif sous ce trouble.

Quant aux œuvres de la série «Spectral», elles peuvent évoquer une imagerie scientifique, des vues de télescope ou de microscope. Ces toiles aux couleurs acidulées, ou organiques, ont l’apparence de paysages abstraits.

Le travail d’Hysbergue se situe entre l’exploration d’une problématique picturale et la simple recherche de l’effet. Avant d’atteindre l’effet, il change de série, pour passer à une nouvelle exploration. Il met ainsi bout à bout les pièces pour reconstituer le puzzle que serait la peinture.

Rémy Hysbergue
— Spectral 9, 2005-2006. Acrylique sur komacel. 50 x 59 cm.
— Pour l’instant 6, 2005-2006. Acrylique sur miroir. 110 x 96 cm.
— Chaque jour C, 2005. Acrylique sur komacel. 90 x 76 cm.
— Spectral 13, 2005-2006. Acrylique sur komacel. 41 x 50,5 cm.
— Pour l’instant 8, 2005-2006. Acrylique sur komacel. 150 x 131 cm.
— Chaque jour X13, 2005. Acrylique sur komacel. 74 x 68 cm.

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