ART

Utopia – Charles Sandison

PIsabelle Soubaigné
@12 Jan 2008

Pour sa première exposition personnelle chez Yvon Lambert, Charles Sandison occupe, avec Utopia, la grande verrière de la galerie, plongée dans le noir. Une projection de mots parcourant les murs, le sol et le plafond, inspirée de l’utopie d’une île imaginaire, dépeinte par Sir Thomas More en 1516.

Des vibrations lumineuses qui se chevauchent nous attirent. Nous pénétrons, intrigués mais sans inquiétude, dans une salle obscure. Une succession de mots est projetée sur les murs, le sol et le plafond de la grande verrière de la galerie. Ils se déplacent à un rythme variable, tantôt fluide et lent, tantôt rapide et saccadé. Ils se répandent et se mélangent, liquides, sans que l’on puisse suivre le fil d’un discours cohérent.

Utopia de Charles Sandison fait référence à une île imaginaire, dépeinte par Sir Thomas More dans un texte publié en 1516. Son système social, parfait et idéalisé à l’extrême, n’en reste pas moins irréaliste. Nous avons échoué sans nous en rendre compte, sur une terre inconnue, peuplée de structures grammaticales, modifiées par de multiples interactions.

Les courts récits qui défilent sous nos yeux, n’apparaissent qu’un instant pour s’évaporer aussitôt. Une société n’existe pas sans langage. Les probabilités de création d’une communauté exemplaire, qui prendrait corps dans un discours sans faille, sont examinées et envisagées ici par un ordinateur.
La machine invente et diffuse sans discontinuer des milliers de possibilités que nous n’avons même pas le temps de consulter. Elles s’incarnent dans les parois de la galerie et ne laissent aucune trace de leur passage. Les traverses métalliques qui sont au-dessus de nos têtes fourmillent de mots que l’on peut à peine déchiffrer et qui s’apparentent à des insectes.

Le lieu est grignoté de part et d’autre par la cadence des lettres qui se superposent. Et pourtant tout cela se fait dans le silence. Ces mouvements perpétuels sculptent l’espace dans le calme. Nous devenons des supports de projections. Les empreintes de lumières s’accrochent à nos vêtements, à nos mains et à nos visages. Elles nous traversent et nous font prendre conscience de notre environnement.
Nous l’appréhendons de manière sensible et l’immatériel devient presque palpable. A l’abri des bruits de l’extérieur, coupé du monde, nous déambulons au milieu des mots et des signes et nous nous confrontons alors à un nouveau questionnement: l’existence d’une oeuvre comme expérience corporelle et temporelle.

Charles Sandison
— Utopia, 2007. Projection de mots sur les murs de la galerie. Dimensions variables.

AUTRES EVENEMENTS ART