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Urgent Painting

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

Peindre vite, peindre lent, sur le mur, sur la toile, sur le sol, au plafond; peindre les situations, les structures du monde, les gens, les choses, les événements, les signes; peindre en trois dimensions, à partir de références artistiques ou non, en filigrane; peindre ce qu’on ne peint pas, ce qui est caché, ce qu’on n’avait pas prévu de peindre; proposer au spectateur de regarder, de sentir, de toucher, bref, d’être troublé par la persistance de la peinture, par son extraordinaire pouvoir d’adaptation et d’interrogation.

L’exposition commence par une peinture in situ de Katharina Grosse: le vestibule du musée est en quelque sorte débordé par les grandes taches de couleurs au spray qui s’étendent avec légèreté, volupté sur le plafond et les angles supérieurs des murs. Ce projet qui investit espace et architecture est à la fois éphémère, fluide, rejouable ailleurs.

Poser la question de la peinture dans le musée et hors du musée, ici et maintenant (Michael Lin). Peindre vite (Stéphane Pencréac’h), peindre lent (Franz Gertsch ou Verne Dawson), sur le mur (Arturo Herrera ou Mathew Ritchie), sur la toile (Wilhelm Sasnal ou Vasily Tzagolov), sur le sol, au plafond, installer la peinture, peindre les situations (Dubossarsky et Vinogradov), les structures du monde (Sarah Morris), les gens, les choses, les événements, les signes (Anton Vidokle, Victor Mutale, Karen Leo), peindre en trois dimensions (Alain Séchas), peindre à partir de références artistiques et non artistiques (Laura Owens, Julie Mehretu, Miltos Manetas), peindre en filigrane (Michaela Math), peindre ce qu’on ne peint pas, ce qui est caché (Shahzia Sikander), peindre ce qu’on n’avait pas prévu de peindre, proposer au spectateur de regarder, de sentir, de toucher (Surasi Kusolwong), bref, d’être troublé par la persistance de la peinture, par son extraordinaire pouvoir d’adaptation et d’interrogation, par ce qu’elle recouvre, ce qu’elle découvre (Sergej Jensen), par sa matière picturale même et par les images qu’elle crée (Yayoi Deki).

Supports et matériaux hybrides, couleur, dessin et espace, tensions, orientent et désorientent figuration et abstraction, collage et architecture (Adam Adach, Nathan Carter, Tatjana Doll). La peinture comme geste et comme lieu inscrit sa traversée et ses développements dans le lieu muséal pour le temps de l’exposition.

Cette exposition est une sorte de manifeste qui défend l’usage critique de la peinture comme medium, pratique, concept indispensables pour rester actifs dans l’immense élargissement des pratiques et pour résister à une accélération du temps et aux interprétations erronées. La peinture sollicite le regard tactile du spectateur, dans les lieux choisis, éphémères ou permanents.

Six points sont mis en exergue par Julia Garimorth dans le catalogue : solliciter le spectateur dans son espace et temps réel, bouleverser la relation spectateur/œuvre/artiste, intervenir physiquement contre l’image, faire interagir peinture et images mécaniques, faire de la peinture un photogramme de film, risquer la narration par l’image. Continuer à déconstruire les images mécaniques par la peinture, tout en envisageant une forme d’unicité si nécessaire, participe d’une mise en abyme de la peinture pour sa plus grande vitalité (Andreas Eriksson). Représenter, re-présenter, présenter, croiser tradition et cultures différentes (tous les artistes sont ici de grands voyageurs), permet de prendre en compte le projet heureusement incomplet et fluctuant du pouvoir des images actuelles (Federico Herrero).

Dans l’éphémère de l’exposition Liam Gillick a fait détecter les structures métalliques du mur c’est-à-dire dans le mur (invisibles pour le spectateur), pour en signaler juste le parcours par des lignes de crayon sur le mur. Son intervention exprime l’ultime détachement de la forme, le fondement secret et le plus évident de ce que serait (encore ?) une peinture aujourd’hui : une étendue variable (le mur, sa matière, sa couleur), des structures (les lignes qui se développent comme un fleuve et ses affluents) ancrées dans une architecture présente mais non tangible (la structure interne et métallique du mur, l’histoire et la géographie du lieu), qui contient une pensée, un processus, de la matérialité et des incertitudes, le choix de l’artiste, in situ, pour le regard du spectateur à la limite de sa perception.

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