Les paysages urbains de Jean-Christophe Ballot nous immergent au cœur de la complexité historique des villes et de ses implications esthétiques. Notre perception du changement urbain se limite le plus souvent à un endroit précis : ainsi de ces monumentales piles de pont en béton armé à Singapour, qui paraissent surgies de la terre, ou de la transformation d’un édifice sans doute religieux à l’origine en théâtre à Surabaya (Indonésie).
Mais faute de trouver un point de vue plus englobant, il est en général difficile au promeneur de se représenter comment ces mutations locales affectent la ville dans son ensemble. Or c’est ce que permettent les prises de vue «synthétiques» et frontales de Jean-Christophe Ballot : la dispersion topographique des bâtiments et de leurs particularités architecturales se trouve ramenée à l’unité d’une image, qui permet de prendre conscience de leur coexistence dans un seul et même espace urbain.
Se forme ainsi parfois une composition abstraite quand, dans un panorama saturé, les styles architecturaux se combinent en un jeu formel allant de la variation des mêmes structures architecturales, comme dans les immeubles neufs de certaines villes de Chine, au patchwork d’éléments stylistiques hérités de différentes époques, comme à New York.
L’objectif de Jean-Christophe Ballot transforme ainsi la ville de lieu d’usage en paysage, c’est-à -dire en spectacle esthétique.
Mais elle ne devient pas pour autant un simple objet de contemplation, où le regard se contenterait de déceler de plaisantes harmonies formelles. Au contraire : Jean-Christophe Ballot prend la peine d’exposer les façades aveugles ou les sombres pignons de vieux immeubles berlinois, que l’œil d’ordinaire néglige et que les clichés des villes souvent excluent, au motif qu’ils seraient peu photogéniques.
De même des structures métalliques aux formes étranges, conduites industrielles d’un autre âge (Ostrowiec, Pologne) ou supports rouillés d’affichage publicitaire par exemple, intégrés ici au vocabulaire plastique et historique de la ville. Le paysage urbain prend donc chez Jean-Christophe Ballot la dimension d’un texte à déchiffrer, aux signes sans cesse renouvelés. Il nous suggère à juste titre d’apprendre à les lire pour comprendre que le déploiement spatial des villes est la dimension essentielle de l’historicité moderne.
Publication
— Urban Landscapes de Berlin à Shanghaï, Paris, Créaphis, 2008.
Jean-Christophe Ballot
— New York. Photographie couleur.
— Chicago. Photographie couleur.
— Ostrowiec. Photographie couleur.
— Shanghai. Photographie couleur.
— Shanghai. Photographie couleur.
— Surabaya. Photographie couleur.
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