Nous avons eu l’occasion d’assister à l’avant-première à Berlin de ce documentaire d’Arte à la gloire du festival allemand « Tanz im August » qui a programmé l’année dernière, entre autres, le Semperoper Ballett, la Cie Akram Khan, la Cie Membros, Meg Stuart et Jeremy Wade, Dave St-Pierre, Olivier Dubois, Tecktonik, Hiroaki Umeda, Nasser Martin-Gousset, le Slovaks Dance Collective et Boris Charmatz.
Malgré quelque hésitation structurelle (tantôt, la partie concernant un artiste est précédée d’un bref entretien avec lui, tantôt pas ; quelquefois on use des numéros hystériques de la compagnie de Dave St-Pierre comme de transitions, quelquefois non ; par moments, on est dans le sujet et donc hors de la scène théâtrale, d’autres fois on se borne à filmer la performance ou des répétitions in situ), le film est honnêtement réalisé et rend objectivement compte de la programmation du festival (plusieurs chorégraphes programmés n’ont pas participé au film, sans doute pour des raisons pratiques, pas nécessairement pour des questions esthétiques ou éthiques). La bande son est remarquable et le montage rythme allègrement le métrage.
Le seul problème, c’est que la programmation du festival ne nous a pas entièrement convaincu. On a comme l’impression qu’on s’y contente de reprendre les danseurs et les « chorégraphes » qui tournent dans une ronde sans fin dans tous les festivals de danse (Montpellier, Paris quartier d’été, Madrid, Vienne, etc.). Sauf exception (Hiroaki Umeda), ce qu’on retient du cru 2008 manque d’originalité, de créativité, de profondeur (c’était curieusement aussi le cas de la Berlinale). Le niveau est bas et le bât blesse. Par ailleurs, on confond des concepts qui n’ont rien à voir, comme la « non danse » (Meg Stuart ?), la pratique amateur (les gratinés Slovaks !), les phénomènes sociaux (le danseur enrobé et autodidacte Olivier Dubois) ou les tendances passagères de la mode, qu’on a déjà oubliées la saison suivante (la tecktonik).
Les danseurs font ce qu’ils peuvent mais cela ne nous suffit pas. On passe du style pompier et pompeux du Semperoper Ballett au travail militaire, routinier, à l’unisson, de la Cie d’Akram Khan (dont on appréciera cependant les solos féminins). Des chutes brutales des Brésiliens de Membros (adoucies et magnifiées par le travail de montage du film) au duo bêtassou, faussement naïf, de la quadra Meg Stuart et de son comparse infantilisé Jeremy Wade. Du travail corporel impeccable de l’athlète Boris Charmatz aux inévitables tics et tocs grimaciers du même. De l’univers rétro de Nasser Martin-Gousset qui fait dans le cabaret à l’ancienne, trente ans après Pina Bausch, Ettore Scola, Josette Baïz et dans les ombres chinoises façon Montalvo ou Decouflé, aux saynètes qui font sourire la première fois du Canadien Dave St-Pierre.
Le titre du film ne doit pas faire accroire qu’il traite de « danse urbaine » au sens où on l’entend à la Villette ou à Suresnes, c’est-à -dire d’expressions issues de la rue comme le hip-hop et des variantes pour clubs (la house, tecktonik, etc.). Il s’agit simplement ici de transposer de danses destinées à la scène dans le cadre ouvert de quartiers typiques de Berlin (des danseurs néo-classiques dans la station de « RER » Potsdamer Platz, comme autrefois les membres du GRCOP dans le métro parisien ; les lutteurs brésiliens dans le décor de l’Oberbaumbrücke ; les faunes grotesques de St-Pierre dans le Tiergarten ; la compagnie d’Akram Khan dans un hall d’aéroport, etc.).
Le film est doublement institutionnel. D’une part, il promeut (avec Arte) le festival, de l’autre, il peut donner l’impression d’avoir été commandité par le syndicat d’initiative de la capitale germanique ! Berlin, il faut dire, n’a pas vraiment besoin de cela…
Urban Ballet, Jörg Jeshel, Brigitte Kramer, documentaire, 2009, 53 min