ART | CRITIQUE

Untitled (Because I Am Not Richard Prince…)

PSarah Ihler-Meyer
@02 Nov 2010

Une peinture sans qualité pour des sujets ordinaires, voici le programme de la «Bad painting» apparut à la fin des années 1970 dont David Kramer semble être l’héritier. La trivialité des scènes salement brossées n’a d’égale que les phrases toutes aussi poissardes et les objets kitsch qui les accompagnent.

En réaction contre le Minimalisme et le Conceptualisme jugés politiquement corrects, des peintres tels que David Salle, Eric Fischl ou encore Leon Golub prêchent à la fin des années 1970 pour une peinture de mauvais goût, délibérément mal exécutée et puisant ses motifs dans la culture populaire.
C’est dans cette veine que s’inscrit David Kramer, dont les œuvres ajustent la banalité des scènes dépeintes à l’aspect bâclé de leur facture.
Sans échappatoire, la médiocrité se redouble dans les phrases que l’artiste inscrit à la surface de ses toiles et dans les objets kitsch qu’il dispose à côté d’elles.

Ainsi, Boat Party présente des couples d’amis en train de s’enivrer sur des bateaux pneumatiques, aux sourires lourds et aux expressions épaisses, le tout dans un style «à la va-vite» couronné de phrases à propos de chiens et de gueules de bois. La trivialité s’étale jusqu’au devant de cette peinture, sur le parquet de la galerie où jonchent des bouteilles d’alcool et de spiritueux.

Dans le même esprit, avec Minor Details un homme et une femme aux poses lascives fument une cigarette au clair de lune au-dessus d’un feu de bois en plastic fluorescent. Le prosaïsme sature cette peinture jusque dans ses recoins où sont écrites des considérations sans aucun intérêt sur la concentration.

Off into the Sunset pousse la banalité jusqu’au cliché avec un couple qui court au bord de la plage au crépuscule et énonce des pensées relatives… au coucher de soleil. Cette redondance crasse est scellée par les néons rouges et jaunes placés au devant du tableau, évinçant ainsi tout espoir d’élévation.

On pense à Raymond Carver qui, dans les mêmes années que la «Bad painting», a déployé une écriture dénuée de toute préciosité pour évoquer les destins ordinaires qui peuplent l’Amérique moyenne. La trivialité suffocante des toiles de David Kramer rappelle en effet l’absence d’horizon des personnages de cet écrivain américain, toujours enfermés, faute de courage et de caractère, dans des situations médiocres.
Sous le crayon de David Kramer même Superman n’échappe pas au trivial. Doué de nobles pensées dans les comics, il devient dans ses dessins un vulgaire personnage aux paroles grossières.

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