Gonzalo Lebrija
Unfolded
Gonzalo Lebrija explore dans son œuvre les notions de temps, de liberté, de jeu et leur relation au pouvoir. De ces questionnements naissent des actions et une gestuelle qui confèrent à sa pratique une dimension performative, l’artiste apparaissant souvent dans son propre champ — photographique ou filmique — se mettant en scène dans des situations teintées d’un humour existentiel détournant les représentations convenues de figures héroïques classiques.
Fasciné par la poétique du vol, il organise en 2001 un concours d’avions en papier au sein d’un cabinet d’avocats de Guadalajara documenté ensuite dans la vidéo Exodo (Aeroplane Competition). Lancés depuis le dernier étage de leur bureau situé dans un immeuble surplombant la ville, la caméra filme en plan fixe la lente descente des avions en papier vers le sol. En 2005, dans la série de photographies Playing High, les avions en papier se retrouvent entre les mains des avocats, à la place des textes de loi, dans une reconstruction de la scène des Régents de l’hôpital St. Elizabeth à Haarlem (1641) de Frans Hals. La délicatesse et le caractère dérisoire de ces avions de papier se confronte ainsi aux instances de pouvoir, soulignant la fragilité et l’autorité arbitraire de la loi et de ses protagonistes, en particulier au Mexique.
Les avions en papier de l’exposition «Unfolded», ne sont plus en mouvement mais exposés à plat, dépliés et figés dans l’espace du cadre. Apparaissent alors dessinées par les pliures du papier, de grandes formes géométriques et symétriques à l’élégance minimale qui évoque les papiers pliés puis dépliés de Sol LeWitt du début des années 1970.
Formellement, le dessin créé par les lignes joue avec la matérialité de l’œuvre, à la frontière entre le tangible et le visible. De la même façon que «la caméra a la capacité d’enregistrer l’invisible», le papier garde la trace et la mémoire du geste.
En deçà de la géométrie des plis, les formes contiennent une rhétorique plus subversive, leur structure pyramidale ascendante évoque celle des organes symboles de puissance (drapeaux, écus, organigrammes), et place les dessins à la frontière entre pouvoir et vulnérabilité, thèmes sous-jacents dans l’œuvre de Gonzalo Lebrija.
Sont également exposés une série de travaux nouveaux réalisés sur des panneaux de bois d’érable. Chaque panneau se décompose en plusieurs pièces de boiserie façonnées individuellement puis assemblées et recouvertes de feuilles d’or, reprenant en trois dimensions la surface créée par les plis des dessins. La légèreté et subordination du papier plié est ainsi mise à l’épreuve dans un travail artisanal complexe. Avions en papier devenus icones païennes vidées de leur contenu, les panneaux réfléchissent la lumière sur une surface protéiforme.
Enfin, Gonzalo Lebrija présente une nouvelle sculpture intitulée Silver Lamento. Depuis 2008, l’artiste en a travaillé plusieurs variations, réalisées auparavant en céramique blanche et céramique émaillée d’or. Représentant un homme en costume debout le bras droit appuyé sur le mur, la tête posée sur son avant bras et sa main gauche dans la poche, cette figure renvoie à la lamentation de l’homme post-moderne et la perte du sacré.
Face à lui même, à la manière du Penseur de Rodin, l’homme de Gonzalo Lebrija n’a d’autre choix que de tourner le dos au monde et de trouver appui dans l’architecture qui l’entoure, en l’occurrence celle du white cube impersonnel de la galerie. Pour l’exposition «Unfolded», la sculpture a été produite en argent massif, à partir d’objets glanés dans différentes brocantes au Mexique puis fondus. Amalgame littéral d’histoires appartenant au passé et mêlées arbitrairement les unes aux autres, la sculpture reprend ainsi des thèmes qui parcourent l’œuvre de l’artiste en filigrane, tels que le passage du temps et le rapport de l’homme à sa propre condition.
Gonzalo Lebrija est né en 1972 à Mexico City. Il vit et travaille à Guadalajara, Mexique.