Sophie Calle, Joël Hubaut, Hippolyte Hentgen, Valérie Jouve, Jürgen Klauke, Gauthier Leroy, Duane Michals, Florence Paradeis, Philippe Ramette, Hans Schabus
Unfinished – Cash Machine et Nom d’un petit bonhomme
Unfinished – Cash Machine – Sophie Calle
Qu’elle suive des inconnus dans la rue (Filatures parisiennes, 1978-79), photographie des individus invités à dormir dans son lit (Les Dormeurs, 1979), interroge des aveugles de naissance sur leur conception de la beauté (Les Aveugles, 1986), filme une rupture amoureuse sous la forme d’un road-movie (No Sex Last Night, 1992) ou tente d’améliorer le vie à New York en se pliant aux instructions du romancier Paul Auster (Gotham Handbook, 1994), Sophie Calle développe une œuvre qui semble échapper à toute classification. De cette diversité des supports et des propos se dégage cependant une profonde cohérence, un style très personnel que caractérise ainsi Christine Macel: «L’association d’une image et d’une narration, autour d’un jeu ou d’un rituel autobiographique, qui tente de conjurer l’angoisse de l’absence, tout en créant une relation à l’autre contrôlée par l’artiste».
La question du style est précisément au centre du dispositif vidéo Unfinished – Cash Machine (2003). En 1988, Sophie Calle est invitée par une banque américaine à réaliser un projet in situ. Quinze ans plus tard, elle se résigne à l’idée qu’elle ne parviendra jamais à répondre à cette commande. De ce constat d’échec naît la vidéo Unfinished. Dans un style proche du documentaire, Sophie Calle y retrace ses tentatives successives de mener à bien ce projet et pointe les raisons pour lesquelles aucune d’entre elles n’a abouti, l’impossibilité de finaliser une œuvre qui respecterait son style à partir du matériau imposé par la commande (des extraits de vidéos de surveillance de distributeurs bancaires reproduits dans la série Cash Machine). Avec Unfinished, Sophie Calle voulait se «libérer, enfin, de ces images, abdiquer devant leur présence». Par une jolie pirouette, elle réussit, au final, à faire de cet échec une oeuvre à part entière.
«Nom d’un petit bonhomme» – Collection Frac Normandie Caen
Cette année, le Frac Normandie Caen présente l’exposition «Nom d’un petit bonhomme», en réponse au thème du projet départemental «Portrait(s)… en perspectives» proposé par l’Éducation Nationale aux enseignants du Calvados. Dans les portraits exposés au Frac, le costume et les accessoires prennent autant de place que le modèle qu’ils accompagnent. Le complet-cravate est ainsi plusieurs fois revêtu dans l’exposition. Définitivement masculin, il est l’uniforme de monsieur-tout-le-monde et fait basculer celui qui le porte vers l’anonymat. Il permet à Duane Michals de symboliser l’oeuvre et la personnalité de René Magritte, il est aussi la tenue du burlesque chez Philippe Ramette ou Jürgen Klauke. Revêtu par l’artiste lui-même, il en fait un individu comme un autre ou, au contraire, un clown, figure que l’on retrouve dans l’autoportrait en pantin de Florence Paradeis.
L’habit permet, d’autres fois encore de jouer avec les époques. Valérie Jouve transforme ainsi son modèle en dame d’un autre temps. Hippolythe Hentgen crée des portraits de chevaleresses imaginaires dont le tissu, matériau du vêtement, devient celui de l’oeuvre. Le costume devient alors déguisement, comme dans le portrait collectif de Joël Hubaut où tout est matière à carnaval. Dans ce dernier portrait, les objets contribuent par leur profusion à la mascarade. Chez Philippe Ramette, l’accessoire est un objet incongru qui participe à la mise en espace du corps. Enfin, dans les oeuvres de Gauthier Leroy, il vacille vers la figuration et devient un personnage à part entière, une sorte «d’objet-bonhomme».