Frédéric Sanchez est principalement connu, jusqu’à présent, pour ses mises en sons de défilés prestigieux, ses collaborations artistiques toutes aussi illustres et des commissariats d’expositions, disons frontalières, dont Gainsbourg 2008 à la Cité de la Musique. Mais ces considérations biographiques ont-elles une quelconque importance à l’heure d’aborder sa dernière exposition… en tant qu’artiste? Peut-être bien.
En pénétrant le lieu d’exposition, on ressent fortement et immédiatement que l’on n’est pas dans une vision «classique» de la monstration. On n’est pas non plus pour autant dans une recherche forcenée d’une avant-garde qui serait soudain ressuscitée. Non, on est plutôt dans une relecture esthétique de l’espace par le son.
Frédéric Sanchez a pour cela découpé en trois salles et autant d’écoutes son Utile illusion. Il apparaît, en effet, et a posteriori, que l’entrée de la galerie ne serve pas uniquement de sas mais fasse partie intégrante de l’exposition. Un lieu inondé de lumière au silence envahissant (pas si loin de l’arrivée finale de 2001: A Space Odissey de Kubrick, le sentiment de mort, fort heureusement, en moins…).
La porte fermée coupe l’accès à la deuxième salle, plongée dans une pénombre relative et au bruit quelque peu inquiétant du tic-tac d’une horloge. Au loin, on entend une voix déclamant un texte s’échapper d’une porte ouverte, troisième salle, dans l’obscurité totale. Soit une déclinaison de la lumière, de l’éblouissement vers les ténèbres, du blanc vers le noir, du silence vers le bruit.
Et l’on sent poindre presque irrémédiablement un sentiment confus de gêne. Charmé par le cheminement, attiré par le récit comme par le joueur de flûte de Hamelin, on flaire le piège. Tout ceci paraît trop didactique, trop programmé, trop agencé. Trop esthétique ?
Difficile pourtant de reprocher à une exposition d’art contemporain d’être trop belle ou séductrice. Ce n’est après tout (pas encore) une tare. La scénographie de l’exposition est parfaitement réussie. L’agencement des haut-parleurs dans la salle principale, le décalage rythmique que créée l’opposition des deux systèmes de sons, repris par des haut-parleurs en milieu de salle, pose une ambiance à la fois inquiétante et réconfortante.
Le mélange des interprétations des textes de Maurice Maeterlinck principalement, mais aussi Debussy ou Shakespeare, dans la dernière salle, permet une relative perte des repères spatiaux, invitant le spectateur à rentrer dans le son.
Tout est parfaitement calibré et plutôt bien échafaudé. Après tout, le titre, comme la teneur des textes, nous donnaient un indice clair des intentions de l’artiste: créer un espace illusoire permettant l’évasion. On aurait peut-être simplement aimé que celle-ci se passe un peu plus dans la difficulté, se pare d’un peu de folie.
On en revient dès lors au problème de la relecture biographique de l’œuvre. Sans remonter à Sainte-Beuve, aurions-nous la même interprétation de la pièce de Frédéric Sanchez sans rien connaître de ses activités (pas si) parallèles ? Probablement pas. Il a pourtant délibérément choisi d’inclure, dans le recueil des textes lus accompagnant l’exposition, deux rubriques, «à lire» et «à écouter», que l’on imagine relevant de goûts personnels. Il faut bien l’avouer, elles relèvent toutes deux d’un quasi sans faute. De quoi donner encore plus envie de mieux connaître… sa vie?
Liste des œuvres
— Frédéric Sanchez, Une utile illusion, 2009. Installation sonore.