None Futbol Club
Une saison en enfer
L’exposition «Une saison en enfer» du duo d’artistes None Futbol Club, proposée pour la septième saison du centre d’art de la Ville de Chelles, emprunte son titre à un recueil de poèmes en prose d’Arthur Rimbaud. Plus précisément, le projet s’inspire des Délires II «Alchimie du verbe» qui se présente comme la confession d’un être tourmenté qui analyse avec ironie et dérision son expérience poétique. Et c’est avec ironie et dérision que le collectif, dont le nom rappelle le logo d’une marque de vêtements sportifs ou d’une association sportive lusitano-scandinave, questionne, à son tour, le rôle de l’artiste dans les systèmes médiatiques de la société d’aujourd’hui.
La première salle de l’exposition ouvre avec une projection au sol qui montre l’apparition presque imperceptible et en constante évolution du message en anglais «Hold On», en français «ne pas raccrocher» ou «attendez» ou «tiens bon». A la fois slogan publicitaire et message politique, ce texte en perpétuelle création stimule et interpelle notre perception.
Mais c’est à partir de la deuxième salle que l’appréhension cesse d’être uniquement visuelle, elle devient tactile, auditive et fait appel à l’expérience du spectateur. Dans une volière créée pour l’espace, 150 pigeons stationnent sur des perchoirs façonnés en forme de lettres et composent la devise «Hold On». En tombant au sol de cet espace de production, leurs fientes deviennent texte et on reconnaît le message précédemment vu. L’installation qui emprunte son nom à la poésie du XIXe siècle, se présente comme une célébration et dérision de notre époque ponctuée de tweets (le logo de Twitter est une tête d’oiseau) et de mots-clic.
Le panoptique conçu par None Futbol Club représente alors une nouvelle approche de la question des savoir-faire qui traverse la saison 2014-15 du centre d’art, questionnant également les concepts d’industrie culturelle, de politique sécuritaire et de télé-réalité. Le visiteur devenu voyeur, se retrouve à la fois au dessus et en dessous de la volière et observe les oiseaux/performeurs dans l’acte de la production continue du message éphémère. En même temps, une caméra est placée au dessus de la volière et l’image enregistrée est retransmise en temps réel dans la première salle pour faire miroir à l’installation. A travers ce dispositif, les artistes jouent avec l’histoire et l’espace du centre d’art composé par deux églises dont l’une a presque deux fois le même volume que l’autre.
La composante ludique et le concept de simultanéité sont omniprésents dans le travail des artistes: afin de figer dans le temps le résultat de cette action éphémère, tous les dix jours ils récupèrent le message déposé au sol de la volière pour le transformer en œuvres qu’ils appellent avec humour «dropping paintings–des peintures de chutes». Ces tableaux seront montrés dans l’exposition monographique «Alchimie du verbe» qui se tiendra en parallèle à la Galerie Derouillon à Paris.