Le mois de juillet a été marqué par le retour de la culture au cœur du débat politique, grâce aux déclarations des candidats à la primaire lors du festival d’Avignon. Je ne peux que m’en réjouir, à la fois parce qu’elle illustre la volonté de la Gauche de se réapproprier ce choix de civilisation face à une Droite plus encline au divertissement culturel.
Je plaide aujourd’hui pour une nouvelle avant-garde, qui permette de redonner à la Culture son rôle essentiel de levier économique, social et éducatif. Il nous faut inventer la Culture de demain, et je forme le vœu que la Gauche sache affronter les difficultés et construise un nouveau pacte culturel, un pacte où la Culture s’affirme comme un vecteur d’émancipation, d’égalité et de valeurs collectives.
En période de crise économique et morale profonde, les Français ont des préoccupations légitimes fortes. Ils sont inquiets pour l’économie, pour l’emploi, et pour l’état des finances du pays qui est catastrophique. Alors ne nous trompons pas et envisageons la Culture dans un triple objectif. Il y a d’abord celui, fondamental, de réussir le rendez-vous de la démocratie culturelle, conjuguant création et diffusion large des œuvres. A cette exigence initiale, nous devons aussi ajouter celle d’une bonne gestion: l’augmentation du budget de la Culture proposée par Martine Aubry sera possible si l’on accroît les recettes de l’Etat, et il nous faudra évidemment faire des choix et mettre fin à la multiplication des lieux et des subventions depuis des décennies. Enfin, nous devons rappeler à tous que la Culture est également un formidable levier économique. Les projets culturels peuvent constituer des gisements d’emplois et de nouveaux champs d’investissement pour les entreprises.
Parce que la Culture permet de retrouver le sens du collectif tout en favorisant l’émotion individuelle et intime, j’ai pensé juste et utile, d’apporter ma contribution au débat, fort de dix années d’expérience. Ainsi, je publierai dans les prochains mois un ouvrage intitulé Petit Livre rouge de la Culture, propositions pour une République culturelle.
Trois axes devraient à mon sens structurer une politique culturelle progressiste, courageuse, faisant des choix clairs et mieux partagée par nos concitoyens.
Le numérique constitue un formidable levier pour permettre un accès supplémentaire à la culture, aux artistes et leurs oeuvres. Les opérateurs culturels peuvent être en pointe dans ce domaine et proposer de nouveaux services culturels. Il faut sortir de l’attitude frileuse et répressive dans laquelle nous sommes aujourd’hui à l’égard du numérique, et l’utiliser comme un véritable outil pour la création et la diffusion. Il est temps d’inviter les opérateurs de télécommunications à ne plus être que des fournisseurs d’accès aux réseaux numériques mais de véritables partenaires de la Culture et de sa diffusion. J’ai déjà fait part, dans une tribune précédente, de mon souhait que la France se dote, en 2012, d’un Ministère de la Culture, de la Communication et du Numérique. La France pourrait ainsi rappeler sa place dans l’histoire de l’art et de la création, son amour des artistes, sa passion pour les oeuvres. C’est un choix de civilisation.
Ce nouveau ministère du XXIe siècle serait ainsi plus fort face aux enjeux d’une société transformée par la révolution numérique et minée par l’émergence des communautarismes, échec de toute démocratie: soutien à la production de contenus culturels numériques, lancement de salles immatérielles pour une diffusion des spectacles sur Internet, création d’une offre numérique à partir des collections des musées nationaux, numérisation des collections, développement d’une offre musicale à prix modeste.
La politique culturelle n’a pas vocation à s’adresser uniquement aux professionnels ou aux élites. La Gauche doit résolument placer la Culture comme possible levier d’émancipation et de lien collectif. Je propose la mise en place d’un Plan national pour l’Education artistique en 2013, qui comprendrait plusieurs volets. Tout d’abord, une sensibilisation des enseignants à la Culture, pour qu’ils jouent pleinement leur rôle de transmission. Renforcer les dispositifs existants d’éducation des élèves à l’image et à la culture en initiant une opération nationale, à l’image de ce que nous avons fait à Paris avec le programme «L’Art pour grandir», visant à amener les scolaires dans les établissements culturels.
La culture est aujourd’hui une part importante de notre économie. La gauche peut légitimement adopter une position «décomplexée» sur ce sujet et mieux traiter l’argent privé. Si la Gauche est en responsabilités, elle devra me semble-t-il identifier rapidement les lieux où la culture peut être un vecteur de redynamisation et y proposer des projets adaptés en étroite intelligence avec les collectivités locales. Je suggère aussi qu’un travail soit accompli en direction des industries culturelles: le développement d’un Fonds d’investissement public-privé devrait permettre l’amélioration des financements et participer à la création d’emplois dans le secteur culturel. Au-delà du développement économique, la culture peut être aussi indispensable à la vitalité urbaine et à l’embellissement des villes. Je pense qu’il est bon de mieux adapter la place de l’art dans l’espace urbain pour que les artistes participent à l’aménagement urbanistique des villes et paysages français. Je pense notamment aux entrées d’agglomérations et aux sorties d’autoroutes, aujourd’hui saturées par les panneaux publicitaires dans un très grand désordre et l’anarchie des centres commerciaux.
J’ai le souvenir des années 80, à l’époque de François Mitterrand et de Jack Lang, où tous les projets engagés l’étaient en faisant appel à des experts. Je pense qu’il est particulièrement souhaitable de retrouver ces pratiques pour conduire une politique culturelle puissante en associant sociologues, artistes, programmateurs, experts, syndicats, collectivités territoriales, élus et citoyens.
Lire la tribune dans son intégralité: http://www.christophe-girard.fr/
Lire sur paris-art.com:
— Christophe Girard: pour un nouveau ministère en 2012
— Malaise au musée d’art moderne de la Ville de Paris
— Pour une démocratie esthétique
— Martine Aubry: augmenter le budget de la Culture