La rétrospective que la Maison européenne de la photographie consacre au célèbre photographe japonais Shoji Ueda décédé en 2000 éclaire les multiples facettes d’une œuvre encore souvent réduite aux photographies de personnages dans les dunes.
On peut y suivre la découverte et l’intégration progressive des trois éléments qui définiront ce style reconnaissable entre tous : le jeu, la poésie, le dépouillement.
Des compositions de formes abstraites et de lumières à la manière d’un Man Ray caractérisent la période d’avant-guerre. La tonalité est très expérimentale mais déjà ludique. Si l’influence du style documentaire américain est également sensible dans les années 1930, comme avec cette bâtisse abandonnée (Hiver, 1935 environ), l’onirisme et le mystère sont déjà présents : comment cette maison, presque réduite à sa façade, peut-elle tenir debout ? Pourquoi ce lieu est-il déserté ?
Les formes abstraites, parfois empruntées aux éléments naturels, façonnent un univers aux lignes épurées, souvent vierge de toute présence humaine : ainsi de ces monticules à peine perceptibles dans la neige immaculée, qui composent ce qui est sans doute la plus belle photographie de l’exposition.
Pour ses mises en scène dans les dunes, Shoji Ueda fait appel à ses amis et aux membres de sa famille. Surgis de nulle part, ils posent souvent avec des objets hétéroclites placés dans le sable.
Le spectateur se trouve ainsi chaque fois face à une énigme nouvelle, ce qui n’est pas sans faire songer au surréalisme d’un Magritte. Mais c’est surtout l’énigme de la présence photographique qui s’offre ici à nos yeux incrédules et vibre de toute l’ambiguïté du jeu.
Cette poésie ne sert-elle en effet qu’un vain esthétisme, ou dit-elle en définitive la gratuité foncière de l’image photographique : donner à voir, pour rien ?
Shoji Ueda
— Portrait dans les dunes, circa, 1950. Photographie.
— Hiver, circa, 1935. Photographie.
— Sans titre, 1950. Photographie.
— Autoportrait à minuit, 1949. Photographie.
— Petits naufragés, 1950. Photographie.
— Dunes, portrait de M. Sohji Yamakawa, 1984. Photographie.