Pawel Althamer, Jean-Michel Basquiat, Mircea Cantor, Etienne Chambaud, Ayse Erkmen, Georges Fessy, Samuel Fosso, Felix Gonzalez-Torres, Zhang Huan, Thomas Hirschhorn, Andrew Kudless, Kengo Kuma, Ahmed Mater, Jean Nouvel, Gabriel Orozco, Tony Oursler, Steven Parrino, Wolfang Tillmans, David Trubridge…
Une histoire. Art, architecture et design, des années 80 à aujourd’hui
«1989 est une année de rupture et le début d’une nouvelle ère. La chute du mur de Berlin a entraîné la découverte de pans de l’art en partie dissimulés derrière le rideau de fer, tandis que de jeunes générations de l’ère postcommuniste se sont mises à bourgeonner. Les manifestations de la place Tiananmen ont attiré le regard vers une nouvelle Chine dont la création a fait irruption sur la scène artistique internationale. Des centaines d’événements consacrés à l’art contemporain se sont développés pour rendre compte de ces scènes émergentes, au-delà de la scène occidentale et notamment anglo-saxonne. Dans les années 1990 et 2000 sont apparues des biennales qui ont pris place dans l’agenda artistique international, comme celles de Sharjah aux Émirats arabes unis (1993), Gwangju en Corée (1995), Manifesta en Europe (1996), Berlin (1998) ou encore Moscou (2003) pour n’en citer que quelques-unes. Un véritable tournant décolonial et multiculturel a profondément modifié l’approche muséale de l’art. Le Centre Pompidou a accordé une attention particulière – et, dans certains cas, renouvelée à ces scènes émergentes, ce que traduit cet accrochage, et notamment aux pays de l’ancienne Europe de l’Est, à la Chine, au Liban et à plusieurs scènes du Moyen-Orient, à la Turquie, l’Inde, l’Afrique du Sud, au Mexique et au Brésil.
Le milieu de l’art lui-même a connu des changements majeurs. Le nombre d’artistes, de galeries et de commissaires d’expositions a crû de manière exponentielle, tandis que l’art devenait l’objet d’une nouvelle consommation culturelle. Le marché de l’art contemporain, malgré la récession de 1990, n’a cessé de se consolider. En son sein, les artistes américains et chinois y dominent, malgré la brèche ouverte par les discours postcoloniaux. Consécutive à l’explosion du marché, la médiatisation de l’art a contribué à démocratiser l’art contemporain tout en l’exposant au spectaculaire.
Enfin, de nombreuses fondations et initiatives privées ont également vu le jour et pris leur place dans ce monde de l’art, nouveau et mondialisé, contribuant ainsi à sa reformulation. Sur le plan artistique, l’avènement des réalités virtuelles, d’Internet et du numérique a constitué un tournant: il a notamment rendu caduque la définition d’une photographie révélée par la lumière ou l’autonomie de certains médias comme le film ou la vidéo. Le son est devenu un matériau à part entière des installations.
Les artistes ont mis à profit les évolutions technologiques leur permettant de programmer sur ordinateur, en lien avec l’image. L’exposition elle-même considérée par certains artistes comme un média en soi, a pu être programmée comme une «boucle» temporelle, si l’on songe aux travaux de Philippe Parreno ou d’Anri Sala. Enfin, la pratique de la performance a connu un regain d’intérêt notable, avec des développements vers la danse, le théâtre ou le texte parlé. Quant à l’histoire de l’art, elle aussi a été l’objet de nombreux débats, alors que d’aucuns – de Francis Fukuyama à Arthur Danto – annonçaient la fin de l’histoire ou l’entrée dans une ère posthistorique.
De nouvelles approches ont proposé une histoire non linéaire, horizontale plutôt que verticale, incluant des micro-récits locaux et ouvrant un champ de recherche considérable. Les questions d’identités ont également été au centre de débats, souvent initiés par les artistes afro-américains, nombreux à estimer être aujourd’hui dans l’ère du «post-black art».
Dans cette effervescence mondialisée, les artistes ont réagi au phénomène de la globalisation et à ces nouvelles réalités avec un regard souvent critique, réinventant leurs pratiques en fonction des soubresauts d’un monde en transformation, où de nombreuses questions politiques et sociales se sont fait jour. Cette nouvelle présentation des collections contemporaines «Une histoire» propose une lecture de l’art inspirée par la manière même dont les artistes se sont positionnés au regard de ces profonds changements. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs réinventé leurs pratiques en repensant jusqu’à leurs formes de vie et leur posture en tant qu’artiste, explorant les sciences humaines ou la littérature. Les années 1990 ont ainsi vu l’émergence de nouvelles figures de l’artiste: producteur, historien, archiviste ou documentariste, en réaction aux bouleversements sociopolitiques contemporains. Ces évolutions s’accompagnent d’une relecture de l’histoire de l’art, moins centrée sur l’ancienne vision occidentale et plus ouverte. Si une partie d’entre eux continue à revisiter la modernité, non sans nostalgie, à opérer des réactivations d’Å“uvres ou à perpétuer l’art de la citation cher aux années 1980, d’autres se sont plutôt immergés dans de nouvelles virtualités, instaurant de nouveaux modes participatifs. Le rapport au corps a également conduit à de nombreuses inventions plastiques, tandis que beaucoup se sont identifiés au narrateur ou à l’autobiographe, instaurant des fictions tournant autour de l’intime. Le réel et l’objet du quotidien ont été les sources de nombreuses sculptures et installations, repoétisant le banal, réarticulant les sphères publiques et privées soumises elles-mêmes à de profonds bouleversements sociologiques. Certaines figures ont également ouvert des voies, tel un Steven Parrino pour une nouvelle peinture radicale et subversive, tel un Thomas Hirschhorn pour une nouvelle sculpture précaire. »
Christine Macel