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Une exposition en quatre tableaux

PNathalie Delbard
@12 Jan 2008

Par une mise en espace dépouillée mais imposante, Bertrand Lavier pointe les enjeux de la peinture contemporaine, qui se régénère autant à travers sa propre histoire que dans le dialogue constant avec son "au dehors", plastique ou social. Une sorte de cure de jouvence.

En proposant son « Exposition en quatre tableaux » à la galerie Yvon Lambert, Bertrand Lavier délimite en réalité quatre moments de peinture à la fois sobres et emblématiques, qui nous invitent, pas à pas, à repenser les préoccupations actuelles les plus fondamentales de la pratique picturale.

Dans la première pièce, l’artiste propose une lecture au sol de sa Composition bleue, jaune et blanche constituée d’une centaine de briques de céramique peintes reproduisant fidèlement un morceau de terrain de basket. Simplement déposées à terre, les plaques lisses et brillantes permettent à l’installation de s’écarter de l’accrochage mural pour convoquer l’espace auquel elle réfère, suivant les normes de la géométrie sportive. Lignes et couleurs se voient ainsi vidées de leur usage en accédant à des enjeux esthétiques, qui signalent la capacité de la peinture à trouver dans le réel, hors d’elle-même, fondement et stimulation.

C’est ensuite vers un questionnement autour de la fonction décorative de l’art que l’artiste nous entraîne, en présentant un « tableau d’ameublement » réalisé à partir d’un tissu dont une partie des motifs a été repeinte. De fait, la surface rectangle centrale se distingue par l’empâtement si caractéristique des œuvres de Lavier, transportant dans l’épaisseur de sa facture la spécificité du geste pictural. A la limite du principe ornemental, c’est bien l’artiste qui, par ses coups de brosse, singularise l’objet tableau.

Dans la troisième salle, à l’inverse, Bertrand Lavier enlève la présence directe de la toile et de la peinture, en déréalisant l’œuvre de Mark Rothko intitulée Four Darks In Red (1958), filmée en plan fixe et projetée sur le mur. Paradoxalement, si la rencontre spécifique avec le tableau est ici contournée, la projection en boucle restitue au spectateur une forme inédite de contact : le bruit spécifique du 35mm, les variations d’intensité lumineuse comme les soubresauts de l’image confèrent en effet à cette dernière une présence hypnotique, où la peinture, par écran interposé, paraît s’extraire de toute temporalité.

Dans une même logique de réappropriation de l’histoire de l’art moderne, l’artiste propose enfin dans la dernière pièce une relecture de trois œuvres de Frank Stella datant des années 60, qu’il reproduit à l’identique tout en remplaçant la peinture par des néons de couleur. Les « toiles » ainsi constituées, éblouissantes et familières, sonnent comme la promesse d’un renouvellement et d’un élargissement de l’idée de peinture ; celle-ci, quittant momentanément pigments et pinceaux, ne semble adopter d’autres formes que pour mieux poursuivre son chemin.

Au bout du compte, par une mise en espace dépouillée mais imposante, Bertrand Lavier parvient à pointer les enjeux récurrents de la peinture contemporaine, celle-ci se régénérant tout autant à travers sa propre histoire que dans le dialogue constant avec son « au dehors », soit-il plastique ou social. Une sorte de cure de jouvence.

Au bout du compte, par une mise en espace dépouillée mais imposante, Bertrand Lavier parvient à pointer les enjeux récurrents de la peinture contemporaine, celle-ci se régénérant tout autant à travers sa propre histoire que dans le dialogue constant avec son « au dehors », soit-il plastique ou social. Une sorte de cure de jouvence.

Bertrand Lavier
— Composition bleue, jaune et blanche, 2003. Céramique. 400 x 300 cm.
— Vibe I, 2004. Tableau d’ameublement. 130 x 390 cm.
— Four Darks In Red, 2004. Film 35mm transféré sur DVD.
— Ifafa IV, 2004. Tubes de néon. 195 x 331,5 cm.
— Ouray II, 2004. Tubes de néon. 238 x 238 cm.
— Benjamin Moore II, 2004. Tubes de néon. 45 x 45 cm.  

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