Éric Dessert
Une autre Chine
L’autre Chine d’Éric Dessert, c’est celle des régions rurales des quatre provinces qu’il a parcourues et photographiées entre 2002 et 2009: Sichuan, Guizhou, Xinjiang et Gansu.
Une «autre» Chine parce que peu montrée, par rapport à celle des industries, de la construction, de l’urbanisation, de la modernité: toutes choses qui vont avec le développement fulgurant que connaît ce pays depuis quelques années.
Le propos d’Éric Dessert n’est pas d’aller à contre courant, de méconnaître cette évolution, d’exalter le passé face à la modernité. Un artiste ne choisit pas son sujet: il est travaillé par une nécessité. Ainsi, depuis ses débuts, Éric Dessert photographie les paysages, les objets, les hommes dans une obsession quasi mystique pour le monde vernaculaire des sociétés rurales.
«La notion de ruralité me semble aujourd’hui capitale, non seulement pour la Chine mais plus largement encore pour ce qu’il en reste ailleurs. Toutes mes images, depuis vingt-cinq ans, y prennent appui.»
Son regard est peut-être minoritaire dans une époque plutôt cynique: il avoue son humanisme et sa quête de la beauté.
«Je ne m’intéresse qu’à ce que je reconnais comme beau, bon et humain. L’ultime but de ma vie est de retenir, le temps d’une image, l’équilibre fragile du temps, de l’espace et de la matière avec au centre l’Homme. Le reste n’intéresse pas, chez moi, ma pratique de la photographie. Mon engagement est spirituel, humain et esthétique.»
Éric Dessert travaille à la chambre grand format, discipline qui oblige à une lenteur, un soin, un regard attentif et appuyé. Il faut scruter un paysage, un visage, l’analyser, dans un temps qui est presque autant celui du dessin que de la photographie.
Au cours de ses voyages de quelques semaines, Éric Dessert ne voit donc rien des images qui s’accumulent dans les boîtes noires de plan-films. Le retour marque la deuxième étape, plus longue que le voyage, qui voit les images naître au jour dans le laboratoire.
Éric Dessert a longtemps tiré exclusivement au format du négatif (10 x 12,5 cm), sur des papiers produits dans les années 60, qui avaient une qualité supérieure aux papiers modernes.
Les ressources s’épuisant, il a recherché, pour les épreuves de ces quatre voyages en Chine, des équivalents actuels à ces papiers argentiques de grande qualité. Il a ainsi albuminé du papier chlorobromure, travaillé avec un papier au citrate viré à l’or, avant de se tourner vers le tirage au palladium-platine (en agrandissant ses films jusqu’au 40 x 50 cm: une première pour lui, si attaché à la miniature). Cette recherche sur la forme, et son évolution, se voit donc dans cette exposition, dont les tirages s’étirent sur plusieurs années.
La forme donnée à l’image, est primordiale dans l’art d’Éric Dessert. Il y met une sensualité, un amour de la matière, de la lumière, qui fait absolument partie de sa photographie.