Richard Artschwager, Cédric Buchet, Thomas Grünfeld, Heger & Dejanoff, Joep van Lieshout, Carlo Mollino, Rainer Oldendorf, Martin Richman, Thomas Ruff, Franz West
Underdesign
Au moment où toutes les disciplines se confondent et s’entremêlent, où l’objet utile ou inutile fait foi dans une société consumériste, où l’architecture rentre dans la structure, plusieurs artistes s’interrogent sur le dessein de leur production.
Le design a l’avantage de signifier à la fois dessein et dessin. Dessein indique le propre de l’objet industriel qui est que tout se décide au départ, au moment du projet. Et dessin précise que, dans le projet, le designer n’a pas à s’occuper des fonctionnements purs, affaires de l’ingénieur, mais seulement de la disposition et de la forme des organes dans l’espace et dans le temps, c’est-à -dire de la configuration.
Dans une interview récente, Martin Szekely, designer, faisait le constat suivant: les artistes visuels «cannibalisent» le design à tel point que la frontière entre les deux disciplines s’amenuise de plus en plus. Rien de nouveau: le champ de l’art contemporain devient de plus en plus poreux.
Alors que signifie «Underdesign»? Serait-ce le degré -1 d’un design qui posent les questions de la spécificité d’une discipline? D’un design divisé en strates ou plutôt en levels? D’un design pour amateur d’art? Un faux-semblant? ou alors à la hauteur de l’underground? Un design plus libre et loin des codes traditionnels de la création industrielle, en marge.
Underdesign, Overdesign, Redesign est aussi le titre d’un article rédigé en 1998 par Peter Bilak, designer hollandais, qui utilise ces termes pour pointer du doigt un design dont la seule préoccupation est l’esthétisation: «sur les jolies images et le mauvais design».
«Je veux qu’une Å“uvre d’art soit vraie, non comme un rêve ou un film» nous dit Franz West. «[…] Je veux pouvoir marcher dessus, m’y asseoir, m’y allonger… les artistes vivent dans un environnement social, ils ne produisent pas que pour l’autre côté. […] On se fiche de savoir à quoi ressemble l’art mais pas de comment on l’utilise.»
«Underdesign» montre des artistes dont la production amène à s’interroger sur les fins réelles des objets ou structures qu’ils proposent. Lorsque Heger & Dejanoff exposent le dessin d’une lampe créée par Philippe Parreno, la boucle est bouclée: Parreno crée un objet fonctionnel au possible: une lampe (Glass Objects, 1998), et Heger & Dejanoff la dessine en projetant le désir qu’un jour elle leur appartienne.
Thomas Grünfeld, dans une tout autre démarche, joue avec l’aspect à la fois décoratif et fonctionnel d’un objet «design». Ses Gummies ressemblent à des formes organiques en mousse, rondes et sensuelles. Mis au mur, ils remplissent parfaitement leur rôle décoratif, comme un tableau. Mais mis au sol, ils deviennent canapé. Chez Grünfeld aucune moquerie mais juste un double rôle endossé par l’objet lui-même.
Quand on pense au mot «design», on pense à un objet beau et utile, à des matériaux novateurs et des lignes fluides. L’atelier Van Lieshout fondé en 1995, conçoit comme dans n’importe quel cabinet de designers des objets aussi simples que des lavabos, des WC, des cabines de douche ou des espaces pensés et réfléchis comme un architecte le ferait. La différence ne réside que dans le fait que chaque objet fabriqué n’est que «susceptible» de fonctionner dans la réalité.
Mais que penser des photographies de Carlo Mollino, figure incontournable du design italien des années 1950? Designer de formation et reconnu comme tel, il exprime ses fantasmes par le biais de meubles aux formes pulpeuses mais aussi grâce au médium photographique. La série Polaroïds dévoile des nymphettes habillées de décors proches de ceux des maisons closes avec velours et draperies de circonstance.
Cédric Buchet et Thomas Ruff: aussi différents soient-ils, les deux photographes trouvent dans les intérieurs privés ou publics une source de géométrie pure, se servant de l’architecture et du design pour créer des lignes fugitives.
Rainer Oldendorf, artiste allemand, utilise aussi la photo afin d’explorer les rapports entre l’espace d’habitation et l’espace médiatisé en jouant avec la mise en abîme.
En ce qui concerne Richard Artschwager, fabriquer des meubles fut une façon pour lui d’approcher l’art. Artiste pop, il joue avec les matériaux, qu’il considère comme des images émanant de nous même et d’une culture capitaliste, ainsi qu’avec la forme des objets de tous les jours qu’il réutilise comme base de son travail.
Martin Richman propose une série de livres lumineux. La bibliothèque s’enrichit alors d’une lumière discrète et simple. Ses livres à lui viennent ponctuer ceux d’une bibliothèque comme autant de point de repères.