Avec cette exposition, le couple Kabakov nous invite à visiter ce qu’il y a «sous la neige», c’est-à -dire à pénétrer un espace fait de silence et de blancheur.
Cette neige, c’est celle des quatre toiles qui sont présentées dans l’espace principal de la galerie. On est tout d’abord frappé par la cohérence formelle de composition et de teinte. Les toiles partagent une palette très douce avec une dominante de mauve, vert clair et bleu ciel. Les personnages et les paysages semblent en apesanteur dans l’espace de la toile: ils apparaissent dans des sortes d’îlots figuratifs flottants sur un fond nuageux et cotonneux.
Sur l’une des toiles, un quai de gare et des adieux sont évoqués; sur l’autre, des visages sont esquissés… On entr’aperçoit des regards dans des bulles de couleur. A ces toiles majestueuses, font écho les aquarelles accrochées dans la salle du bas de la galerie dans lesquelles des visages apparaissent dans des fissures ovoïdales et pour lesquelles les traits sont toujours à la fois chevrotants et d’une terrible finesse.
On comprend mieux le sens de ces tableaux nuageux et silencieux en découvrant une petite sculpture en céramique intitulée L’Eternel Immigrant. Un homme est laissé pour mort alors qu’il tentait d’escalader un mur. Le corps est sculpté de telle manière qu’il est montré en équilibre sur un mur ambivalent, ce mur qui crie que la liberté et la mort sont comme les deux faces d’une pièce de monnaie. L’homme est entre les deux, son corps a abandonné la bataille laissant la tête du côté de la liberté et les pieds dans le néant. Et que peut-il bien y avoir entre les deux justement?
C’est sans doute la sculpture qui lui fait face qui apporte la réponse: entre la liberté et la mort, il ne reste que la création artistique, symbolisée ici par un pianiste en proie aux affres de l’inspiration. Les éternels immigrants, ce sont eux, les Kabakov qui ont vécu sous le joug stalinien en URSS et qui n’ont cessé, depuis lors, de faire œuvre de mémoire et de remise en question. L’immigrant et l’artiste se font face. Cela ne peut-être qu’une sorte d’autoportrait déguisé.
Enfin, l’installation I Catch the Little White Man présente une vitrine à l’intérieur d’une petite pièce conçue comme un sas atténuant lumière et son. Dans cette vitrine, on peut voir des petits bonshommes blancs absolument énigmatiques.
Des toiles et des aquarelles de neige, des sculptures symboliques et une installation où l’on part à la recherche du petit homme blanc qui se cache toujours dans le coin d’une tête: tout cela nous donne à penser que l’exposition fonctionne comme un réseau de significations qui ne peuvent absolument pas être séparées de leur construction formelle aussi bien picturale, sculpturale ou mentale.
Traducciòn española : Santiago Borja.
English translation : Laura Hunt.
Ilya & Emilia Kabakov
— Under The Snow, #21, 2005. Huile sur toile. 410 x 580 cm.
— Under The Snow, #4, 2004. Huile sur toile. 249 x 185.5 cm.
— Under The Snow, #10, 2005. Huile sur toile. 168 x 239 cm.
— The Eternal Emigrant (The Man Who Is Climbing Over The Wall), 2002. Céramique. 50 x 30 x 30 cm.
— Pianist and Musa, 2001. Céramique. 21 x 61 x 36.5 cm.
— I Catch The Little White Man, 2003. Bois, papier, verre, lumières, ficelles. 185 x 115 cm.
— Under The Snow, 2005. Aquarelle et crayon sur papier. 27.5 x 40 cm.