Communiqué de presse
Bina Baitel
Under my Skin
Bina Baitel ne crée pas des objets, elle les construit comme un architecte (son métier premier) construit des bâtiments, avec un goût non dissimulé pour les nouveaux matériaux et les innovations, pour les structures, les usages, la maîtrise des énergies, mais également les finitions, le confort, la beauté. Pourtant, pas de cahier des charges précis, pas de briefing: son travail débute la plupart du temps par une recherche technologique, scientifique ou technique qu’elle s’emploie à adapter, manipuler, transformer. Elle puise dans l’histoire des sciences et exhume la pile Volta, inventée en 1800, pour concevoir son Aqualight, une lampe à eau autonome, ou bien explore les potentialités du magnétisme pour imaginer un ventilateur révolutionnaire.
Ses références sont plus à rechercher du côté de Marie Curie que d’Andrea Branzi. «Mon rêve serait d’être inventeur» lance-t-elle au détour d’une phrase. Elle l’est déjà . De brevet tout d’abord, comme celui qui permet d’imprimer le silicone en profondeur, à la manière d’un tatouage, ou directement dans un moule. Mais aussi d’hybridations, d’espaces, et de lumière.
Avec la collection d’objets Skins pour NextLevel Galerie, Bina Baitel poursuit ainsi un travail engagé en 2007 autour de la lumière, avec le concours du Via. On retrouve ici son premier projet de lampe, baptisée Pull-over. Celle-ci propose une double innovation. Technologique tout d’abord, grâce à des fibres optiques micro-perforées enrobées de silicone — un procédé totalement inédit — que l’architecte-designer a utilisé pour créer cette étrange forme conique à l’intérieur lumineux, douce et vénéneuse. Innovation des usages également : grâce à sa souplesse, cette lampe peut-être déroulée comme un col de pull-over afin d’en moduler l’intensité lumineuse et de la diriger. Plus que tout, cet objet frappe par la relation de proximité qu’il génère avec son utilisateur et par son interactivité. Avec cette lampe, Bina Baitel invite à une expérience physique et intime, à un contact inhabituel avec une peau à la fois synthétique et vivante.
La designer s’attache également à développer cette expérience interactive avec chacun des six objets lumineux présentés dans cette exposition. Pour la plupart gainés de cuir par un maître maroquinier, ils exercent une fascination sensuelle, une envie d’appropriation physique. Ils incitent au toucher dans un jeu d’attraction mais aussi de répulsion face à cette peau aussi vivante que morte. une nouvelle approche de la lumière (la cloche Harebell dont toute la surface intérieure est lumineuse) qu’à provoquer, inconsciemment ou non, une réaction de l’ordre de l’intime.
On retrouve dans cette collection les obsessions de Bina Baitel: les transferts de concepts architecturaux, la lumière sans projection lumineuse, l’hybridation des objets. Son tapis-lampe mutant en est la parfaite incarnation: antithèse de la lampe Pull-over, il n’est pas orientable, crée une nouvelle perception de l’espace en éclairant au ras du sol (ou sur un meuble dans sa version mini), propose une «coulée de cuir» à la fois morbide et douce, véritable espace au sein de l’espace domestique. Ce contraste est évoqué à la simple lecture du nom de l’exposition. «Under my Skins» exalte une force et une fragilité à fleur de peau, un marquage au fer invisible mais omniprésent et revendiqué. (Cédric Morisset)