Marielle Paul
Un rocher tombe entre les arbres
On parvient ici et là , à identifier des nuages dans un ciel bleu, un ruisseau qui traverse un paysage, des montagnes aux formes arrondies, un coin de mer ou encore des éléments de végétation. Pourtant, si Marielle Paul ne peint pas d’après nature, son propos, n’est pas de nous offrir un paysage idyllique, idéalement recomposé, mais plutôt de troubler notre perception immédiate en nous invitant à nous perdre dans une composition frontale d’un genre différent.
D’ailleurs des motifs allogènes font obstacle dans la construction et dans la lecture du paysage imaginaire. Or la simultanéité avec laquelle ceux-ci, souvent d’origine végétale, et le «fond de paysage» s’exposent au regard apparaît comme une anomalie dans le processus de stratification pictural. Au lieu de réconcilier le décor et le décoratif, Marielle Paul choisit plutôt de les confronter. Les deux genres sont convoqués, mais ils s’opposent. Le décor relève du réel et de sa libre représentation et le motif décoratif s’éloigne franchement du premier pour n’en retenir que les formes élémentaires (celles de l’entrelacs, des stries, de la spirale, etc). On aurait tort toutefois d’assimiler leur relation à celle d’un collage ou d’un effet de zoom avant sur un détail. Quand on s’absorbe longtemps à vouloir démêler l’ordre des plans picturaux, en vérité ni premier plan ni arrière plan ne se dégage avec évidence, ou alors exceptionnellement, l’évidence devenant frontale, justement, et alors saisissante de simplicité, le motif (qui affectionne les formes imbriquées) agissant non comme un supplément de beauté mais plutôt par intrusion — par l’intrusion de la mémoire, où se distinguent si peu réel et imaginaire.
D’une grande sobriété qui confine à l’ascétisme, les gouaches de Marielle Paul balancent entre ce qui ne ressemble à rien de connu et ce qui nous appartient à tous. La simplicité du résultat est le produit d’un travail sophistiqué obtenu par une méthode rigoureuse, ou la dextérité renvoie à une gestuelle calligraphique, courte mais incisive. Ainsi la couleur, comme par modestie, n’envahit-elle jamais la totalité du support et les parties laissées en réserve entourent-elles la zone peinte pour former un cadre nébuleux ou accentuer l’horizontalité du format. Tout est réfléchi, programmé, calculé. Le geste, utile et essentiel, est avant tout l’expression de la pensée.