Produite à l’aube de l’humanité par un brutal refroidissement de lave au contact de l’eau, sur les flancs du Mont Ararat en Arménie, l’obsidienne est travaillée dans son pays d’origine par des artisans hors pairs. Le projet de l’exposition est né à l’instigation de Michel der Agobian, fondateur en 2004 de la société Cub-ar. Son objectif est de commercialiser des objets en obsidienne pour inscrire cette matière ancestrale dans la modernité. Il la soumet ici au regard de créateurs contemporains, orfèvres, sculpteurs, designers, architectes, verriers et plasticiens. Le choix de ces derniers est confié au designer Jean-Baptiste Sibertin-Blanc, qui crée également une pièce pour l’exposition. Ainsi, la roche vitreuse aux teintes sombres, cristal noir à la beauté ténébreuse, se métamorphose au fil de leur imaginaire.
Treize objets sont issus de cette confrontation, comme autant de facettes qui mettent en avant les qualités de l’obsidienne. Le matériau poli est semé d’éclats et associé au bronze par Marion Fillancq qui propose Crognongnon, une collection d’outils sympathiques. Avec Roland Daraspe, orfèvre et maître d’art, il s’anime en une petite toupie à l’axe d’argent, Tourbillon. Un dynamisme que l’on retrouve dans le vase Vibration minérale de Christian Ghion, dont la forme spiralée imite une onde de choc tellurique. Le mouvement, encore, dirige la sculpture de Tetsuo Harada, Enrouler. Il entraîne l’obsidienne dans un parcours sinueux et organique qui rappelle tout à la fois l’architecture et la nature.
Absence d’Arik Levy est un objet abstrait et sans finalité qui évoque une sorte d’anti-matière, de trou noir, une profondeur minérale. Cette même fascination pour la tonalité crépusculaire de la pierre polie guide Nestor Perkal. Son Miroir triptyque est encadré de deux masques grimaçants inspirés de l’art précolombien ― l’obsidienne est également très présente au Mexique.
L’objet fonctionnel se réinvente au contact de la matière. Sylvain Rieu-Piquet dessine une forme effilée de couteau sacrificiel Ombre noire, alors qu’Olivier Gagnère, fidèle à ses gammes stylistiques, change l’obsidienne en un candélabre, Manège, que l’on souhaiterait mettre en mouvement.
Seule ou fusionnée à une autre matière l’obsidienne révèle différents aspects de ses richesses. Mathilde Bretillot dessine un centre de table, Le Lac des cygnes, qui met en valeur la transparence associée des deux matières : le verre et l’obsidienne. Les reflets jouent avec délicatesse et se répondent en écho. Ailleurs, dans le vase Eruption de l’architecte Patrick Nadeau, c’est le cristal et l’obsidienne qui semblent se reconnaitre et se fondre en une seule matière, dont la surface alterne entre le brut et le poli. La nature est imprévisible. C’est elle qui semble être à l’origine du Chaos presque parfait de Jean-Baptiste Sibertin-Blanc, un vase à l’équilibre subtil.
Les pièces présentées dans l’exposition sont séduisantes. Si elles mettent parfaitement en valeur la beauté de la pierre, ses qualités intrinsèques, transparence et noirceur, elles relèvent plus des arts décoratifs que du design. Or la nature indomptable de l’obsidienne impose une dimension conceptuelle, que le design est sans doute plus à même de mettre en abîme…
Oeuvres
Tetsuo Harada
― Enrouler, 2011. Obsidienne.
Jean-Baptiste Sibertin-Blanc
― Un chaos presque parfait, 2011. Obsidienne et bronze doré.
Christian Ghion
― Vase Vibration minérale, 2011. Obsidienne.
Arik Levy
― Absence, 2011. Obsidienne.
Flavien Théry
― La Porte, 2011. Obsidienne, écran LCD modifié, médium et hêtre laqué.