Bryan Little, Zola Maseko, Lionel Rogosin, Claudia et Jürgen Schadeberg, Oliver Schmitz
Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud
Tenter de dessiner un portrait de ce pays au passé cinématographique «plein de bruit et de fureur» et au présent toujours fragmenté, c’est illustrer, dans un premier temps, un point de vue historique pour aller vers l’approche d’une nouvelle génération de cinéastes et de producteurs, qui entretiennent aujourd’hui des échanges complexes et stimulants avec leurs confrères des pays avoisinants.
La tradition documentaire antiapartheid, très riche à partir des années 1960, est représentée ici par le chef d’œuvre de Lionel Rogosin Come Back Africa, tourné clandestinement à Sophiatown, faubourg de Johannesburg, au moment où le gouvernement a décidé, pour construire une banlieue réservée aux Blancs, de détruire cinquante mille foyers noirs et d’expulser leurs habitants vers des terrains qui deviendront l’ossature du township de Soweto.
C’est aussi dans Sophiatown, devenu le symbole de la résistance culturelle, que naît le magazine Drum, véritable arme médiatique évoquée par le film éponyme de Zola Maseko, tandis que les artistes Claudia et Jürgen Schadeberg, dans Have you seen DRUM recently?, font surgir des archives cette génération de critiques, auteurs, musiciens, danseurs et chanteurs, comme Miriam Makeba. 1974, c’est l’année d’un autre tournage clandestin, Last Grave at Dimbaza, qui révèle au monde extérieur les images choquantes de la réalité de l’apartheid.
Apparaissent aussi des fictions qui mettent en scène des «révolutions» de société comme The Grass Is Singing de Michael Raeburn ou Mapantsula d’Oliver Schmitz.
Après l’abolition de l’apartheid en 1991, le cinéma accompagne une nouvelle ère sociale et politique dans des lieux symboliques tels que les townships où se déroule Fools de Ramadan Suleman ou celui de Soweto, à Johannesburg qu’évoque Hijack Stories d’Oliver Schmitz tandis qu’apparaissent des biographies filmées de Nelson Mandela, devenu une icône vivante.
À partir des années 2000, la commission «Vérité et Réconciliation», qui par le biais de confessions publiques a pour objectif la réconciliation nationale, cherche à provoquer dans la société une catharsis, explorée dans de nombreux films de fiction dont Zulu Love Letter de Ramadan Suleman. À la même période, d’autres films de fiction mettent en avant les aspects les plus troubles de la société postapartheid comme le sida dans Life above all (Le Secret de Chanda) d’Oliver Schmitz.
Aujourd’hui, au milieu du clivage des productions de films orientés vers des publics spécifiques et étanches ou de grosses productions internationales, apparaissent de jeunes cinéastes atypiques et de grand talent, comme Sara Blecher, réalisatrice d’Otelo Burning ou l’apprentissage de la liberté pour de jeunes noirs par le surf, Oliver Hermanus et son très beau film, Beauty, sur l’aspect prédateur du désir inassouvi, Khalo Matabane, réalisateur de nombreux documentaires et d’un premier long métrage de fiction, State of Violence, reprenant les vieux démons de l’oubli et de la vengeance, dans un style brillant et novateur, ou François Verster, écrivain, musicien et cinéaste qui déploie avec talent et sensibilité les panoramas humains de sa grande ville du Cap.
Danièle Hibon
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Mardi 21, Samedi 25 et Dimanche 26 janvier 2014