DANSE

Un oeuf, des oeuvres par les Pontificall Girls

PSmaranda Olcèse-Trifan
@28 Juin 2010

Le Marché de la poésie, place Saint-Sulpice: la poésie se déclame sur scène, à tue tête dans les allées, de manière plus intimiste aussi sur certains stands. Elle déborde les lettres imprimées, gagne les voix et les corps. Ainsi en va-t-il des Pontificall Girls, qui officient devant le retable Ab ovo de la photographe Laetitia Chazottes...

Les sept performeuses connues sous le nom des Pontificall Girls se sont laissées entraîner par Katia Feltrin, poète, plasticienne, critique d’art et de danse, dans une aventure hautement poétique.

A l’origine des Ateliers pontificaux, démarrés en mars 2010, il y a Un œuf, des œuvres, un recueil de poèmes, auquel viennent s’ajouter des recherches en yoga, danse et arts martiaux. Comme dans un jeu d’associations libres, les idées fusent au gré des jeux de mots et allitérations, un fertile terroir d’explorations est cerné. On ne se laisse pas prendre dans le dilemme classique de l’œuf et de la poule, mais on creuse l’idée de la ponte. Dès lors, un pas est déjà fait vers la figure de la souveraine pontife, la Papesse, arcane du Tarot, intrigante dans son équivoque, à mi-chemin entre la sainteté et le désir charnel. On se meut dans les eaux troubles d’un imaginaire religieux habité par une charge éperdument érotique.

Certes, cette discussion n’est pas nouvelle, beaucoup d’encre a déjà coulé sur le thème des transports de Sainte Thérèse d’Avila … Mais il est passionnant de voir comment les Pontificall Girls s’y attaquent, à leur corps défendant, par le biais du kitch. C’est une démarche totalement assumée, inscrite à même le nom qu’elles se donnent et qui dissimule le vocable Call Girls (!)

Au milieu des échoppes à bondieuseries de la place Saint-Sulpice, c’est avec une certaine réjouissance provocatrice, frondeuse, qu’on aborde ces coiffes de moniale confectionnées à partir de sacs poubelles ou de torchons de cuisine. Le kitch est dans son droit, tout autant qu’une certaine forme d’arte povera, et il facilite l’accès vers des régions de l’intimité qui, autrement, ne se livreraient pas si facilement.

Les séminaristes ont approfondi, lors des Ateliers pontificaux, des qualités du corps hiératique, du corps régressif aussi. Certains moments de ces séances ont été glanés par la photographe. Un film devrait également être réalisé. Cette installation-performance se joue dans d’incessants allers-retours, entre le temps intimiste de la levée des tabous, en huit clos, sous l’œil silencieux d’une caméra et le temps fort de l’exhibition. Sept femmes donnent chair, habitent un imaginaire nourri par des extases mystiques et les émois du désir. Les topoï de la magie blanche ne sont jamais très loin. L’œuf, accessoire, ingrédient indispensable, est présent tout au long des neuf tableaux que les performeuses vont animer, culminant lorsqu’elles s’en induisent furieusement le corps. Des larsens de guitare et de basse, ainsi qu’un Ave Maria enragé ponctuent les séquences. Ce mélange de dérision et de passion culmine, par moment, en un saisissant.

La poésie irrigue cette performance, met en mouvement les corps. Il s’agit de donner voix à des textes, des recettes potentielles de cuisine magique, aux ingrédients secrets, incongrus. La voix se perd dans les bruits de la foire, devient texture, énonce des secrets dont on attrape, dont on vole des bribes. Ces sont des poèmes clamés, chuchotés, telle une invocation de sortilège ou une prière — de la matière sonore avant tout. Une raison de plus d’aller chercher les fragments publiés dans des revues, comme Action Poétique n°191 et 192, et de suivre les prochaines performances.

— Conception, chorégraphie, écriture: Katia Feltrin en étroite collaboration avec les Pontificals Girls
— Avec Agnieszka Czeczott (Ange déçue), Julie Estève (Notre Dame des Grands Pouvoirs), Isabelle Fabre (Soeur Marie Pétunia), Katia Feltrin (Soeur Magdalena) Christine Louis (Madame), Dominique Mohn (Soeur Marie Kolkoz), Marie Juliette Verga (Soeur Marie Jugulaire) et Laetitia Chazottes avec son retable Ab ovo.
— Musique: Ave Maria par Arielle au chant et le duo Grace Baumann et Christelle Duhaut à la guitare et basse 70’s

Le calendrier liturgique des Pontificall Girls
— 25 septembre 2010: performance inédite des Pontificall Girls en collaboration avec Muriel Malchus pour le vernissage de son exposition «Trophées» à la galerie Sycomore Art (7, rue Geoffroy-Marie, 75009 Paris)
— 7 octobre 2010: performance Un œuf, des œuvres des Pontificall Girls, retable Ab ovo de Laetitia Chazottes et projection du Pontifilm Un œuf, des œuvres, à la galerie Sycomore.
— décembre 2010: mise en ligne du Pontifilm Un œuf, des œuvres, Poésie Média sur Internet 


— 15 au 22 mai 2011: le Pontiflim Un œuf, des œuvres à la Biennale de la Poésie du Val-de-Marne.

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