Christian Robert-Tissot, Philippe Decrauzat, Rolf Julius, Sarkis, Ange Leccia, Tjeerd Alkema, Simone Decker, Mathieu K. Abonnenc, Pipilotti Rist, Chen Shaoxiong, Hamid Maghraoui …
Un monde invérifiable
L’exposition s’inscrit dans un espace reflétant, traduisant, prolongeant la thématique du caractère invérifiable du monde contemporain à partir d’œuvres artistiques de la collection du Frac Languedoc-Roussillon (Fonds régional d’art contemporain).
Par bien des aspects, la société contemporaine a des allures chaotiques. La surinformation masque toujours une perte de l’information centrale. Ce qui est érigé en système est la production d’un flux médiatique dont le fonction n’est plus de faire savoir ou d’instruire mais de distraire en occupant la totalité du temps réel. Ce temps réel se confond aujourd’hui avec le seul temps médiatique. En ce sens, «Un monde invérifiable» est un retournement des formes contemporaines de la falsification et une remise en cause du modèle qui domine depuis une trentaine d’années la question d’un réel vérifiable.
Les œuvres qui composent «Un monde invérifiable» sont à la recherche d’un autre type de narration pour se rapprocher sinon du vrai, du moins du réel. Qu’il s’agisse d’installations, de sculptures, de dessins, de vidéos, etc., toutes ces œuvres remettent en cause notre rapport à la réalité, tant cette dernière est subordonnée au seul bruit de fond médiatique. Ce sont des témoignages sur l’époque, mais comme tout témoignage, ces œuvres sont elles-mêmes objet de suspicion. Comme le réel, elles doivent être soumises à l’épreuve du temps historique. De quelle vérité nous entretiennent-elles?
L’exposition «Un monde invérifiable» est un dispositif qui opère selon le principe du bon voisinage et du regard embrassant chers à Aby Warburg (1866-1929) dont le travail a servi au développement de l’iconologie. Son projet le plus ambitieux, l’Atlas Mnemosyne, une collection d’images quasiment sans texte, tente de raconter l’histoire de la mémoire de la civilisation européenne. Aby Warburg a influencé le travail d’Erwin Panofsky, Ernst Gombrich, Frances Yates et Walter Benjamin, entre autres.
Ainsi peut-on dire que les contradictions ou complémentarités qui naissent entre les œuvres exposées répondent aux conditions de production de l’image dialectique chez Walter Benjamin. A l’inverse d’une tendance de l’époque à juger le passé selon les critères du seul présent, l’image dialectique chez Benjamin est une remise en cause du présent dans un moment fulgurant et figuratif, pour lui faire atteindre un niveau plus qualitatif et plus humain.
«Un monde invérifiable» fait le constat que les propositions humanistes, les interrogations sociales, culturelles et affectives sont aujourd’hui systématiquement sabordées de l’intérieur; comme si un mouvement de corruption, un univers dégradé étaient la seule et unique réponse à apporter aux contradictions du temps présent. Pour lutter contre cet état de fait, pour donner à voir la complexité du monde, l’exposition signale donc des liens, des conflits et tente de susciter des rapprochements en s’appuyant sur la mise en place d’images dialectiques; elle n’induit pas de point de vue prédéterminé, mais incite à un rapport critique et objectif à partir du dialogue entre les thématiques et les œuvres qui la composent.