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Un artisan de la lumière

Notre « artisan de la lumière » aura imaginé et produit des centaines d’« appareils d’éclairage » agencés d’une ampoule, de sa « terminaison » et du fil qui les relie au courant. Ensuite se pose la question de leur greffe à l’environnement immobilier. Les fixations choisies exploitent les possibilités classiques de l’architecture : les lampes sont suspendues au plafond, appliquées aux murs, posées sur des supports horizontaux ou à même le sol. Ces luminaires cherchent à atteindre le degré zéro du support : assurer sa stabilité à une source lumineuse la plus souvent ronde.
   
Fasciné par la présence phénoménale de la lumière, qui rend visible et nous rend visibles, Gino Sarfatti prête une attention particulière à la forme sphérique de l’ampoule, aussi parfaite qu’archaïque et rappelant la boule de feu, les météorites et autres astres. Au sous-sol de la galerie, seule ou en système, la boule est exploitée pour toutes les fonctions de l’objet dans le souci d’accéder à une forme archétypale : l’ampoule est prise dans un globe de métal perforé de petits cercles et posée sur un anneau qui la fait coulisser au moyen de deux petites boules.

Cette recherche essentialiste engendre des formes minimales, tout en horizontales, en verticales, en lignes et en masses. Mais elles n’oublient pas de flirter avec le mouvement, qu’il soit aléatoire, à la Calder, ou de vitesse, à la manière futuriste. En témoigne la réinterprétation contemporaine du chandelier en trois éditions déclinant une spirale incandescente. Entre le statique et le dynamique, la lumière traitée par Gino Sarfatti expérimente la précarité de l’équilibre, comme cette pièce ne tenant qu’à un fil : un abat jour est relié à un fil très long dessinant un arc de cercle, maintenu par un tube de plexiglas suspendu en un point au plafond. Le fil électrique doit toujours être mis en évidence : il est vecteur de l’énergie et anime l’appareil.

De ce tourbillon d’expérimentations, Gino Sarfatti aura tenté de retenir le propre du luminaire. Il ne s’est égaré ni dans les découvertes techniques de l’époque, qu’il a su associer à un néo-classicisme intégrant les fleurons du savoir-faire italien comme la taille du marbre ou le verre soufflé à la bouche, ni dans aucun style décoratif. La couleur, par exemple, est épisodique et justifiée par des emprunts à l’histoire de l’art : Kandinsky pour ses compositions, ou Calder pour sa suspension mobile d’ampoules en écrins colorés. Le designer s’est concentré sur la forme de l’ampoule comme entité autonome à laquelle donner un soutien.

Une toute petite pièce de 1950, la plus simple et la plus attachante de l’exposition, illustre ce principe : une ampoule montée sur un tube fixé en son milieu à une boule, elle-même posée sur une tige au socle rond. L’ « appareil d’éclairage » est amovible et permet de diversifier les solutions d’illumination selon les besoins de l’usager. Le fils de l’artiste raconte que l’applique N°213/sp a été conçue pour la chambre d’un moine : deux supports à encoche pouvant être fixés à loisir permettent à la lampe de venir de loger temporairement en l’un ou en l’autre, le fil étant assez long pour en autoriser la mobilité.
   
Simplicité, adaptabilité et ancrage de l’ « appareil d’éclairage » dans le tissu de significations de la lumière sont les maîtres mots des luminaires de Gino Sarfatti. Le lampadaire N°1050, pièce emblématique de 1948, en jette les bases optimistes : celles d’un bras de lampe en ligne forte dirigé vers la droite et dont l’inclinaison porte l’ampoule en avant, quand un autre, plus court et jaune, vient le croiser dans une dynamique abstraite. Le tout sur un socle terrestre de marbre non traité, et surplombé d’une grande coupole halogène à la fois tournée vers le haut et protectrice, produisant une lumière faite d’ombre, une lumière domestique, conçue pour l’homme. 

— Gino Sarfatti, Lampe à poser n° 566, 1956. Arteluce. Cylindre métallique laqué terminé d’une ampoule marteau coulissant le lond d’une tige chromée. Base ronde et oblique laquée noire. H : 47,5 cm
— Gino Sarfatti, Suspension n° 2109/16, 1971. Métal laqué et sphères de verre. 20 cm pour les sphères et 140 cm pour
l’ensemble.
— Gino Sarfatti, Applique n° 40, 1959. Métal laqué ou chromé. H : 55 cm
— Gino Sarfatti, Lampadaire n° 1050 C, 1948. Métal laqué, laiton, marbre. H : 210 cm

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