Armand Béhar, Jagna Ciuchta, Thomas Léon, Aline Morvan, Samir Mougas, NG, Michaël Sellam
Uchronies, part. II
Uchronies, part. II: Changer le cours de l’histoire telle qu’elle n’a pas été, telle qu’elle aurait pu être.
Giovanni Papini, au début de ce siècle, préconisait d’ouvrir à l’université des chaires d’Ignorétique, qui est la science de tout ce que nous ne savons pas. Si on avait suivi son conseil, l’étude de l’Uchronie serait aujourd’hui plus avancée. Elle reste à faire. Le mot lui-même est peu usité. Les spécialistes de la science-fiction l’emploient à l’occasion, les historiens guère, et s’il figurait dans le Grand Larousse du XIXe siècle, les éditions actuelles l’ont écarté.
Il a été forgé en 1876 par le philosophe français Charles Renouvier, sur le modèle de l’Utopie à laquelle, trois cent soixante ans plus tôt, le Chancelier d’Angleterre Thomas More donna un nom promis à une fortune plus grande.
A l’«Utopie» – du grec ou-topos: qui n’est en aucun lieu – répond donc l’«Uchronie» – ou-chronos : qui n’est en aucun temps.
A un espace et, par suite, à une cité, à des lois, à des moeurs n’existant que dans l’esprit de légistes ou d’urbanistes insatisfaits se superpose un temps également régi par le caprice et, par suite, une histoire. Le préfixe privatif, cependant, est source d’égarement et l’analogie entre les deux démarches moins évidente qu’il n’y paraît.
Armand Behar, A l’origine du monde : des anonymes
Histoire d’une représentation Volet II
Dans un couloir souterrain sans fin… infini, une foule de gens regardent des écrans au plafond qui diffusent des images de paysages.
Depuis le début des années 2000, Armand Behar se consacre à la réalisation d’une seule et même oeuvre intitulée: Histoire d’une représentation.
Toutes les pièces réalisées font référence à cette histoire. Chaque oeuvre: vidéo, photographie, installation, livre,… fonctionne comme un indice, au fur et à mesure des expositions le spectateur découvre un monde imaginaire. Une fiction qui raconte l’histoire d’une société où les individus sont obsédés par leur désir de reproduire dans le réel les formes rencontrées dans les univers virtuels. Dans ses oeuvres Armand Behar fait cohabiter paysages artificiels et lieux administratifs, formes héritées du monde moderne et formes oniriques générées par les technologies contemporaines. C’est ainsi qu’il explore l’influence des technologies sur notre société à la manière d’un réalisateur de film d’anticipation.
Jagna Ciuchta, Don’t cry for J-P
La vidéo contient un extrait du music-hall Evita avec Elena Rogers, Londres 2006. Le travail de Jagna Ciuchta s’ingénie à explorer des frontières, à révéler des limites pour mieux les brouiller, à creuser des failles, à mettre à distance le réel. Fouillant l’interstice entre le visible et le non visible, l’artiste polonaise suggère avec ingénuité des décrochages de sens et souligne l’ambivalence du langage et des images. A observer son exploration intense du sens, des formes et des médiums, on se prend à penser que selon elle, l’art est un amusement sérieux, à la manière dont le concevaient les dadaïstes : prendre l’art par tous les bouts, le déplacer, le triturer, en éprouver toutes les capacités – jouer avec, comme le fauve avec sa proie, sans cruauté.
Thomas Léon, Ghost tower
Les travaux de Thomas Léon se déploient principalement à travers la vidéo numérique. Ce sont des installations complexes et condensées, explorant un environnement urbain anti-romantique (habitats collectifs, urbanisme périphérique) investi d’une tension émotionnelle forte au travers d’images et de sons de synthèse. Ghost tower. Un paysage péri-urbain au crépuscule. La vidéo convoque le Monument à la Troisième Internationale de Vladimir Tatline (emblème du Constructivisme et symbole de la modernité, projeté mais jamais réalisé) sous la forme d’une silhouette pâle inscrite à l’arrière plan. La nuit tombe, les lumières s’allument et éclairent la structure. Le monument semble faire partie du paysage, comme s’il avait toujours été là .
Aline Morvan, The nowhere and somewhere else hotel
«A travers mon travail, j’interroge les notions d’espace urbain, de cartographie, et développe l’idée de récits imaginaires découlant de projections mentales. En partant des représentations présentent dans l’espace de la ville, de ses signes qui font immédiatement sens, je crée des supports qui déclenchent la quête d’un ailleurs. Dans un éternel va-et-vient entre réel et imaginaire, je mets en suspension la notion de repères. Comment alors s’orienter, se situer, se positionner? Le symbole (Vous êtes ici), l’enseigne (The nowhere and somewhere else hotel) la carte (Affiche), etc. sont autant d’éléments modifiés, déplacés, faussés, d’impostures perturbant toute perception de l’espace. Que celui-ci soit rêvé ou idéalisé, il ne peut dès lors se situer autre part que dans l’imaginaire. Ce jeu perceptif propose ainsi au spectateur de se déplacer aussi bien physiquement que mentalement. Il lui faut alors chercher, entrer dans une quête incessante de nouveaux repères.»
Samir Mougas, Les Hexanimaux
«Le projet de sérigraphie Hexanimaux a débuté lors de la préparation de mon exposition personnelle «Trout Farm» (2009) à 40mcube (Rennes). Je disposais d’une banque d’images d’animaux récupérée que je souhaitais agréger dans un dispositif sculptural pour les mettre en scène. Le travail de production de l’exposition avec l’équipe de 40mcube ayant suivi d’autres pistes, j’ai continué de mon coté à travailler avec ces documents. C’est en cherchant comment montrer simultanément plusieurs images que j’ai décidé de les incruster dans des hexagones.
Cette forme géométrique, très présente dans la nature (ruches, flocons de neiges, structures moléculaires…), a été exploitée par l’architecte Buckminster Fuller dans la construction de ses célèbres dômes géodésiques. L’assemblage de modules hexagonaux contenant chacun l’image d’un animal formule un point de vue étrangement distancié, fonctionnant comme une mise à plat voire un rapprochement impossible. On pense aux entomologistes et leurs collections d’insectes, ainsi qu’a Linné et son système de classification botanique. Il faut noter une coïncidence intéressante entre les modules assemblés et la trame d’impression de la sérigraphie: leur juxtaposition fait apparaître une grille hexagonale qui met en abîme la trame sérigraphique (qui permet l’apparition des images par synthèse optique des couches de couleurs), provoquant un jeu de miroirs entre le médium et le message.»
NG, Waiting for the future
Waiting for the future joue avec les discours scientifiques les plus futuristes : clonage, manipulations génétiques, création de nouvelles particules. La partie musicale installe un univers situé entre rêve et anticipation et invite les auditeurs, en suspension, à surfer sur les mythologies du futur.
Waiting for the future a été créé en avril 2002 pour le Palais de Tokyo à l’invitation de Frank David et Jérôme Sans. C’est une nouvelle version de la pièce qui sera présenté à Ars Longa. Depuis trois ans NG poursuit un projet artistique nomade, de favelas en châteaux (résidences d’artistes, lieux autogérés, architectures utopiques, etc.) explorant toutes sortes de situations collectives de vie et de travail, se confrontant à des habitus et des habitats très divers. NG affirme – l’art une prise de parole – que le monde est inconnu. Le projet moderne a fait long feu et nous laisse un terrain en friche où tout reste à explorer, à découvrir. Être artiste est une aventure. Chaque projet est une expédition particulière, au moyen de nouveaux outils et à la rencontre de situations, de lieux, de personnes nouvelles.
Michaël Sellam, We came in peace
Le titre porte la phrase gravée sur le module lunaire de la mission Apollo 11 en 1969. Depuis la conquête de l’espace, l’homme a passé d’autres portes que celle de l’atmosphère. Franchissant le seuil de la réalité, il a mis le pied sur les rivages lointains du virtuel, où se projette un monde désincarné. C’est cet univers moulé dans la technologie que Michaël Sellam déploie dans son exposition personnelle à la galerie Pascal Vanhoecke, We Came In Peace. Michaël Sellam nous plonge dans un univers fantastique où se côtoient le mythe de la conquête spatiale, le flux d’image de notre environnement quotidien et les hautes technologies. L’artiste détourne et s’approprie certains éléments de ce flot incessant d’information qui nous submerge et par un subtil décalage il les met en péril pour mieux les caricaturer.
Atelier / Médiation :
13 sites choisis dans le quartier du 11e arrondissement de Paris. La mention Vous êtes ici, inscrite sur un pictogramme rond aisément identifiable, se retrouve sur les cartes publiques parsemées dans l’espace urbain en France. Dans sa proposition artistique, Aline Morvan extrait ce symbole de la carte, support de représentation, lieu fictif – pour le réintroduire dans l’espace réel. Reproduit à l’aide d’un pochoir à même le sol dans différents endroits de la ville, associé à un ou plusieurs mots, ce signe à échelle humaine interpelle le promeneur et l’invite à reconsidérer son environnement. L’oeil attentif découvre ainsi autrement l’espace qui l’entoure. Cette intervention in situ casse la linéarité de la marche, l’habitude du passant, et lui offre la possibilité de se réapproprier l’environnement urbain pour en faire une expérience sensible.