Comment regarder une exposition d’une série de photographies représentant des chevaux sans penser au « bon sens payant » qui fait office de projet gouvernemental en ce début de XXIe siècle? Cet écueil ne s’adresse évidemment pas à l’œuvre de Cédric Buchet qui — contrairement au gouvernement sus-cité — évite à la fois le lieu commun et la vulgarité intellectuelle. Car, quoi de plus usée dans l’histoire de l’art que l’image équestre ? Quoi de plus périlleux à questionner que cette image sans tomber dans le piège à la fois de la citation (David, Géricault, etc.) et du cynisme (de la caricature au kitch). Cédric Buchet y parvient habillement en ne posant jamais la question de l’image du cheval, mais en questionnant l’image pour elle-même.
Crinière bien coiffée, air mystérieux et distrait, croupe charnue, etc., les chevaux de Cédric Buchet ont cela d’éloquent de permettre nombre d’analogies avec l’autre meilleur ami de l’homme : le top model.
Même processus de mise en scène, même travail de l’arrière plan, même travail de l’image, mêmes codes graphiques: tous ces indices conduisent à transformer le sujet placé devant l’objectif en objet offert à la convoitise consumériste. La séduction est recherchée, jamais absente, comme une image de pub, à la différence qu’ici ce n’est plus le produit qui est à vendre mais l’image elle-même.
Avec cette série photographique, l’artiste se lance dans une sorte d’inventaire agricole sans objet autre que celui de son modèle : le cheval dans sa diversité et son imagéité. Si au premier abord on pense évidemment à une compétition de salon agricole — ou aux planches vétérinaires encyclopédiques —, ce dont il est en fait question est essentiellement le plaisir de l’image.
L’esthétisation est prononcée avec cette accumulation de chevaux pris en dehors de tout repère réel. L’artiste photographie ses sujets en éliminant toute distraction anecdotique grâce au travail en studio. Ainsi, cet animal autour duquel s’est créée toute une mythologie gagne une forme d’autonomie vers une sorte de canonisation.
Le cheval, animal si particulier qu’il est à la fois un symbole militaire et aristocratique puissant — mais aussi de liberté absolue essentiellement véhiculée par le cinéma hollywoodien — s’émancipe de tout cela avec les clichés de Buchet. Sa collection animalière s’écarte de son animalité pour devenir une série, puis une suite de signes éminemment graphiques. La séduction opère. Celle de la forme pure, du plaisir des textures, le fantasme d’une photographie tactile en quelque sorte.
Que dire de plus de cet inventaire qu’il finit par s’éloigner de quelque ambition universalisante et rationalisante. Le but de Cédric Buchet n’est pas d’enfermer la totalité du cheval dans son objectif, mais de prélever des formes du réel vers une sorte de taxidermie se rapprochant davantage du cabinet de curiosité du XVIe siècle que de l’exposition moderniste.
Toute la difficulté apparaît quand un processus adopte les codes de la classification tout en brouillant les pistes qui permettraient de tracer un lien logique entre chaque item. En fait, Cédric Buchet ne nous apprend rien, il se contente de proposer un catalogue graphique qui, accidentellement, se penche sur l’univers du cheval.
Cédric Buchet :
— Bai brun 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Alezan crins lavés 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Alezan crins lavés 2, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Gris pommelé 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Pie bai 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Palomino 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Auber, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Bai 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Bai 2, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Pie bai 1, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Palomino 2, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
— Gris pommelé 2, 2004. Epreuve lambda sur diasec. 66,5 x 80 cm.
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