Marco Maggi
Turn Left
La vidéo réalisée en collaboration avec Ken Solomon Micro & Soft on Macintosh Apple accueille le visiteur en retraçant à rebours les lentes mutations d’une pomme en décomposition et les processus de sa fossilisation. D’emblée, le spectateur plonge au cœur du travail de Marco Maggi qui s’attache à questionner notre rapport au temps et au savoir.
Marco Maggi suit avec précision l’architecture du lieu, marqué par ses virages à gauche. Il nous invite à suivre une ligne en apparence simple, un chemin formé de ramettes de papier format A4 placées à même le sol. Avec des matériaux simples, manufacturés, à la portée de tous: feuilles de papier ou d’aluminium, pommes ou encore enveloppes; l’artiste déploie une topographie faite de détails où l’accent porte sur le quotidien, sur le micro plutôt que sur le macro, nous incitant à nous approcher de ces objets soignés.
L’œuvre de Marco Maggi fait acte de résistance. Elle ne cherche pas le grandiloquent ni le choc de l’image. De l’observation des cubes de plexiglas de prime abord transparents ou des feuilles en apparence blanches, se découvrent les entrelacs de creux et de pleins, les reliefs subtils et presque impalpables qui se détachent des surfaces planes, la non contradiction entre la surface et le support, l’interdépendance du recto et du verso. En s’approchant de ces objets précieux, le spectateur perçoit alors un réseau infini et délicat d’où naît une relation intime et le sentiment du sublime.
Chez Marco Maggi, le dessin intervient quand les mots ne suffisent plus. Devenu écriture, langage en soi, le trait, entre texte et texture, n’informe pas, n’explique rien. Seule la tension qu’implique la lecture importe. Dans la série The Ted Turner Collection — From CNN to the DNA, les reproductions des maîtres modernes sont recouvertes pour ne laisser que des traces que l’on à peine à déchiffrer. A l’image de la mémoire, l’artiste ajoute des strates et oblitère l’image d’origine. A la façon des média, il couvre l’information soulignant ainsi que «Chaque jour, nous sommes condamnés à savoir plus et comprendre moins».
Surgissant comme des haïkus visuels dont les sens restent énigmatiques, ses dessins s’inscrivent dans l’espace pour composer une constellation de formes éparses. Avec douceur et légèreté, les feuilles de couleur rouge, jaune ou bleue, sortes de signalétique discrète, rythment notre parcours, fonctionnant comme des tâches colorées, des ombres portées, des reflets ou des renvois. Par l’accumulation des fragments et des sédiments, Marco Maggi montre sa capacité à multiplier le détail révélateur des connexions entre les choses.
Gravure, dessin, entaille, superposition ou emploi de la lumière, Marco Maggi intervient toujours de manière dépouillée pour nous plonger dans un rhizome complexe reliant des univers autonomes. «Turn left» nous entraîne dans une oscillation de plans, de grilles, et de paysages qu’ils soient réels ou imaginaires, merveilleux ou idéalisés. En permettant l’expérience de la multiplicité des réalités et en mettant en exergue la prolifération des possibles; Marco Maggi rend compte de l’entre, de ces interstices nécessaires à toute relation.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Turn Left