Publié en 1971, Tulsa dresse le portrait d’une jeunesse américaine sans autre horizon que son auto-destruction : «Death is more perfect than life» peut-on lire sous la photo d’un homme arborant fièrement son revolver. La vidéo d’une interview de Larry Clark au début de l’exposition rappelle utilement les étapes et le contexte de ses différents travaux.
La misère sociale et le désœuvrement d’une génération sacrifiée au Vietnam expliquent le besoin de fuir dans des paradis artificiels bon marché. Les amphétamines y pourvoient, et sans doute les prises quotidiennes de Larry Clark pendant trois années évitent-elles de donner à ces images le ton du reportage distant ou du constat moralisant.
Elles font au contraire ressortir une intimité avec le corps des drogués, avec le corps drogué, vacillant entre le sentiment illusoire d’un monde épuré de sa violence et les tiraillement de la douleur.
Deux sortes d’images donc, qui correspondent globalement aux deux salles de l’exposition. Les premières évoquent l’innocence libertaire des corps nus dans les jeux de l’amour, la douce euphorie qui accompagne la prise de drogue et ses premiers effets, la simplicité de l’amour et de l’amitié. Comme si les êtres se suffisaient à eux-mêmes dans le plaisir de l’instant.
La seconde salle dévoile au contraire le vide de leur existence, que seules les seringues, la violence et la mort parviennent à remplir : femmes battues par leurs compagnons, bagarres qui finissent dans le sang, manipulation incontrôlée d’armes à feu, séances de prise de drogue.
Jusqu’à ce qu’arrive le cortège funèbre et ce nourrisson dans son cercueil, victime innocente d’une société sans avenir. Souvent pris dans l’espace clos d’une voiture ou d’une chambre, les visages graves, le regard absent, sont absorbés dans une solitude d’une profondeur abyssale.
On ne sort pas indemne de cette exposition. Toute cette violence exprime la fragilité d’êtres qui, bras tendus vers la délivrance, n’ont plus que la force de s’anéantir.