Depuis une quinzaine d’années, Jean-Luc Blanc sélectionne des images issues de films, de cartes postales, de photos de presse, de revues, qu’il compile et organise de façon très disparate. A un moment donné, un objet, une face, un profil s’impose à l’artiste qui, en en isolant un motif, se la réapproprie, sur papier, au crayon ou à l’huile.
L’exposition de Jean-Luc Blanc à la galerie Art:Concept porte le titre «Tu me feras plaisir». Cette injonction fonctionne comme un commandement biblique inversé. Aux murs, une galerie de portraits, quelques objets reproduits, une sélection de peintures et de dessins réalisés entre 1986 et 2009, semblent en effet porter le sceau d’une sacralisation. Des visages, des corps, fixent le visiteur avec leur charge puissante d’expressivité. Une série de regards comme un panthéon à vénérer.
La première salle de la galerie réunit 33 cadres, moyens et grands portraits, parmi lesquels celui de Mia Farrow ou celui de Debbie Harris, visages entourés d’un halo, quasi icônes à célébrer. On note aussi le portrait d’un garçon tenant une feuille blanche contre son torse, semblant, d’un regard énigmatique, provoquer la curiosité du spectateur. Sur l’autre mur, un dessin au crayon reproduit d’un trait sûr, fidèle et précis, un serpent, un second, une coupelle, objets qu’on relierait facilement à l’univers biblique.
Entre les deux salles, comme pour assurer la transition, le dessin Which One the First (2008), représente le double portrait de George Eastman Kodak révélant le Polaroïd de son propre portrait. Cette oeuvre porte un titre, contrairement aux autres créations exposées.
La rhétorique de l’image fonctionne ici comme une auto-critique de la pratique de l’artiste. Le double proposé par l’artiste n’en est pas réellement un, de même qu’un tirage photographique n’est jamais strictement identique aux autres. Malgré l’absence de la main de l’homme dans le processus photographique, les clichés demeurent imparfaits. Une légère modification de réglages techniques ou des défauts du papier suffisent à changer l’image. Par cette métaphore, l’artiste aborde la quête d’absolu par l’image.
Dans la seconde salle de la galerie, une compilation de dessins en noir et blanc, disposés en damier, occupe un mur unique. La lecture du mur peut se faire de multiples façons: horizontalement, verticalement ou en diagonale. On reconnaît les portraits de Catherine Deneuve et d’autres stars de cinéma. Ils fascinent et repoussent, parce qu’ils travaillent l’idée même de la pétrification par l‘image.
L’artiste superpose de façon incongrue des personnages ou des scènes dont les gestes et les actions dépeintes deviennent surréalistes: sur un dessin, un cheval tient un pistolet, avec lequel il menace deux enfants. Un autre trace les contours d’un personnage hybride: une femme-tigre. Plus haut, un trait précis et vif donne corps à un homme dansant avec des ours. Loin d’être une simple galerie de portraits dédiée aux stars du cinéma, ces dessins puisent aussi bien dans le registre du glamour que dans un registre d’images proches du cartoon.
Jean-Luc Blanc semble construire une œuvre cinématographique singulière et personnelle. Le trouble perceptif «atmosphérique» produit par le mur sur le visiteur est persistant.
«Ma passion me porte vers ces images déjà constituées que j’organise d’une manière très disparate pour leur trouver une autre respiration, une autre voix», explicite Jean-Luc Blanc. Il ne se contente pas de compiler des images déjà existantes, il s’en dégage en les modifiant sensiblement, il leur donne une autre portée, un autre langage, active leur potentiel. Il ne prétend pas «révéler le secret derrière chaque image», pour reprendre ses mots, mais explorer davantage l’imaginaire qui les imprègne, en exaltant leur étrange mélange de banalité et de sacralité.
Jean-Luc Blanc
— Which One the First, 2008. Crayon sur papier.
— Sans titre, 1986-2009. Crayon sur papiers.