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True

Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, la Maison de la culture du Japon a accueilli une série de pièces qui nous mettent au fait de la création contemporaine japonaise. Emmanuelle Huynh y présenta les deux premiers volets de Monster Project, notamment Kaibutsu, le solo de Kosei Sakamoto, qui donne son titre à ce projet commun. Tsuyoshi Shirai et Takayuki Fujimoto prolonge cet aperçu de la danse nippone avec True, a new sound, light and dance performance.

La pièce est issue du Yamaguchi Center for Arts and Media, lieu par excellence de l’expérimentation dans les arts de la scène et les technologies multimédia au Japon. Elle est le résultat d’une collaboration entre des artistes venus d’horizons divers, chacun menant par ailleurs des projets dans différents collectifs et groupes d’action. Takayuki Fujimoto se définit comme metteur en scène. Outre sa mission de concepteur-lumières, il accompagne le processus créateur des artistes, lors des séances de travail et veille à ce que le résultat soit fidèle à son concept de départ.

Nous sommes impliqués par le dispositif dans une forte expérience perceptive. Son, mouvement, image, lumière, texte sont autant d’éléments qui, sans en épuiser la portée, nous font entrer dans cette œuvre. La phénoménologie rencontre les neuro-sciences dans une démarche synesthésique et interactionnelle. Les technologies informatiques sont mises au service de la création pour que son, lumières et images se répondent, répondent à leurs fluctuations respectives et entrent en interaction avec les mouvements du corps humain, avant même leur exécution, surpris à l’état de signaux cérébraux par des capteurs myoélectriques.

Dans cet environnement hautement interactif, le metteur en scène, qui mène ce jeu déchaîné de lumières fulgurantes, de sons électroniques déchirants et de corps à la limite de l’épuisement, interroge le principe de vérité de toute perception, que vient soutenir le titre de la pièce. Les différents segments reprennent la classification dans l’enseignement primaire japonais et se donnent comme autant d’études de cas des failles de cette perception. La table de la connaissance, présence stable et quelque peu rassurante sur le plateau, suscitera tout d’abord des gestes ordinaires à la découverte d’objets qui ponctuent la vie quotidienne, puis les premières interactions avec un son fort et violent surviennent. Et voici que cette table est arpentée dans tous les sens par les deux danseurs à travers de nombreuses et surprenantes entailles : autant d’accidents de connexions et synapses, « trous » de mémoire qui caractérisent le cerveau humain …

L’ensemble se joue sur les limites. Nous assistons à une troublante séquence où les échafaudages qui circonscrivent le plateau se mettent à chanter, vibrant à des fréquences très basses, à la frontière entre vibration et son. L’installation de lumières est composée de LED, faisceaux rouge, bleu et vert dont l’association donne — ou pas — la lumière blanche : ainsi la cape rouge, personnage symbole du sens commun devient à tour à tour blanche ou noire ! La perception du mouvement et de la temporalité en viennent aussi à être pervertis, comme dans cette séquence où par l’éclairage une ombre portée tourne très vite autour des corps qui semblent bouger au ralenti.

La vitesse régit cette sorte de transe hypnotique agrémentée par des machines informatiques. Il y va de corps brûlés, traversés de signaux neuros-électriques, avant toute question d’incarnation ou de ressenti. Totalement ordonné à des impulsions, le danseur essaie d’interpréter son, lumière, vidéo qui ne sont autres que les résultats de l’interprétation par les capteurs de ses flux de signaux nerveux : un énorme système d’amplification à travers le corps. Une leçon de kinesthésie / synesthésie dirigée.

— Direction, lumière et scénographie : Takayuki Fujimoto (Dumb Type)
— Chorégraphie, interprétation : Tsuyoshi Shirai (AbsT/Baneto) 

— Chorégraphie, texte, interprétation : Takao Kawaguchi (Dumb Type)
— Son, vidéo, visual design : Takuya Minami (Softpad)
— Son, oscillation, programmation, web : Daito Manabe 

— Vidéo, programmation : Satoshi Horii (rhizomatiks)
— Table Design, Mechanics : Seiichi Saito (rhizomatiks), Motoi Ishibashi (DGN) 

— Myoelectric sensing, Vibration mechanism support : Masaki Teruoka (VPP)

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