La prestation de Trisha Donnelly à la Galerie Air de Paris est troublante pour qui n’était pas présent le soir du vernissage où l’artiste a fait une performance. L’exposition n’en garde aucune trace. Restent des conjectures sur ce qui a pu se passer…
Des dessins et quelques photographies occupent la première pièce de la galerie. Un dessin au crayon décline les initiales de Ride Into Darkness, Ride (Chevauche dans le crépuscule, chevauche ), non loin de la photographie nocturne d’un paysage vallonné seulement éclairé par la lune et les lumières d’une maison isolée. Ce pourrait être n’importe où. C’est à Malibu, en Californie.
Sur une autre photographie, un orgue semble renversé, les tuyaux dirigés vers le sol. Puis une série de dessins représentent des objets : un bouton de volume d’un amplificateur, l’attache d’un porte-jarretelles, un chapeau de cowboy.
Le titre d’un triptyque n’est pas communiqué, il est «disponible sur demande» auprès du galeriste. Enfin, une photographie d’un sabre en grand format. Du côté bureau, projetée directement sur le mur, l’inscription en violet sur fond blanc Night Is Coming apparaît et disparaît à un rythme régulier pour annoncer la venue de la nuit.
Détachées de la performance, ces images étranges et disparates défient notre compréhension. Étaient-elles partie prenante de la performance ? Sont-elles des reliques d’actions antérieures ? Ou ont-elles une existence autonome ? Autant de questions sans réponse.
Car Trisha Donnelly semble s’appliquer à dérouter les spectateurs par des indications énigmatiques, au risque de leur faire manquer certains éléments de son travail. Combien entendront le vent qui souffle par intermittence toutes les vingt minutes dans Dark Wind (Vent sombre) ? Combien sauront que le titre du triptyque qu’il faut demander au galeriste est en fait une courte séquence de batterie en MP3 jouée par l’ordinateur du bureau. Combien percevront les sonorités qui participent à l’atmosphère mystérieuse de l’exposition ?
Les images, les sons, les titres jouant sur le registre de l’obscur (Ride Into Darkness, Dark Wind, Night Is Coming) contribuent à entourer les œuvres d’une atmosphère de secret. En outre, Trisha Donnelly ne photographie pas ses actions, pour ne pas en laisser de traces, pour privilégier la singularité de l’instant sur lequel on ne peut revenir, pour substituer le témoignage oral au constat visuel.
L’audience se divise ainsi entre ceux qui ont vu la performance, ceux qui en ont entendu parler, et ceux qui ne se sont pas aperçu qu’il y en avait eu une. L’œuvre habite la mémoire des uns, excite l’imagination des autres, et prend le risque de ne rencontrer que de l’indifférence…
Trisha Donnelly :
— Ride Into Darkness, Ride, 2002. Crayon sur papier. 85 x 58.5 cm
— Malibu, 2002. Tirage argentique. 90 x 125,5 cm.
— The Vibration Station, 2002. Tirage argentique. 10 x 12,5 cm.
— The Volume, 2002. Crayon sur papier. 85 x 58,5 cm
— Untitled, 2002. Crayon sur papier. 85 x 58,5 cm
— Eulogy, 2002. Crayon sur papier. 85 x 58,5 cm –
— Titre disponible sur demande, 2002. Crayon sur papier. Triptyque : 3 x (88.5 x 57 cm)
— Untitled, 2002. Tirage argentique. 244,5 x 99 cm.
— Night Is Coming (Warning), 2002. DVD loop.
— Dark Wind, 2002. CD audio. 20 mn.