Joep Van Lieshout, Rick Owens, Kendell Geers, Thomas Houseago, Nacho Carbonell, Ingrid Donat, Wendell Castle
Tribal
L’exposition «Tribal», fruit d’une collaboration entre les galeries Carpenters Workshop Gallery et Bernard Dulon, instaure un dialogue entre les arts premiers et le design d’aujourd’hui. Peut-on outrepasser les frontières entre les disciplines, les époques, les continents et les cultures? Avec cette question en tête, la Carpenters Workshop Gallery sélectionne des créations contemporaines dans lesquelles se lit une claire référence aux arts primitifs. Aux côtés de ces pièces signées Rick Owens, Wendell Castle, Kendell Geers ou encore Ingrid Donat, prennent place des œuvres majeures d’arts premiers choisies par la galerie Bernard Dulon, spécialisée dans ce secteur.
Depuis la naissance des contacts entre l’Europe et l’Afrique au XVème siècle, les voyageurs montrent un intérêt grandissant pour les sculptures africaines qu’ils ramènent dans leurs pays et intègrent à leurs collections de curiosités exotiques. Cet engouement pour les objets africains gagne rapidement l’Europe et s’internationalise jusqu’aux environs de 1920. Pour exprimer leur refus des valeurs bourgeoises, les artistes tendent à se tourner vers les sociétés dites «primitives» d’Afrique et d’Océanie. Ils voient dans leur manière de vivre, proche de la nature, et dans leur art, une certaine spontanéité et une authenticité qu’ils désirent célébrer, dénigrant au passage le mode de vie matérialiste de la bourgeoisie naissante.
Les pièces africaines perdent progressivement leur statut d’objet ethnographique pour gagner celui d’objet d’art. Paul Gauguin et Pablo Picasso puisent, dès le début du XXème siècle, l’inspiration dans les arts premiers. Dans le domaine des arts décoratifs, Pierre Legrain s’inspire largement du mobilier africain pour réaliser ses créations. Il dessine de nombreux sièges curules (tabourets aux pieds croisés) inspirés des objets rapportés des colonies françaises d’Afrique. En 1919 a lieu une «Exposition d’art nègre et d’art océanien» et, en 1923, une «Exposition de l’art indigène des colonies françaises» se tient au pavillon de Marsan du palais du Louvre.
L’exposition «Tribal» s’attache à créer des relations formelles et des discussions-confrontations. Ainsi le tabouret Curial, en bois fossilisé, répond au fauteuil post-moderne Leviathan de Kendel Geers, composé de pneus de bronze: «clash» entre l’histoire millénaire africaine et la critique de ses développements contemporains. Fabriqué avec de l’os, le fauteuil Onedent de Rick Owens évoque quant à lui le monde animal si présent dans les arts premiers. Avec sa table basse Gastronomy, le designer Joep Van Lieshout puise dans le fantasme occidental du cannibalisme des sociétés primitives. Les pièces aux motifs tribaux d’Ingrid Donat contrastent avec l’ornement épuré d’un tabouret du peuple Sango (RDC), daté du XIXème siècle, tandis qu’une statue du peuple Mumuyé, de la province d’Adamawa au Nigéria, observe avec intrigue les statuettes en bronze difformes de Kendell Geers.
«Tribal» est une histoire de la perception occidentale des objets africains et océaniens, considérés un temps comme curiosités puis comme trophées coloniaux, appréciés d’abord pour leur valeur ethnographique avant de rejoindre les rangs des Å“uvres d’art.