Victor Burgin
Travaux 1970-1984
Le CRP montre durant l’été 2009 sept oeuvres de Victor Burgin, artiste anglais né en 1941. Les oeuvres sont réalisées entre 1970 et 1984, période durant laquelle l’artiste commence un travail artistique et théorique sur l’image et sa relation avec le contexte social et politique.
Le travail artistique et photographique de Burgin est intimement lié à sa réflexion théorique et l’artiste matérialise son approche par la présence de textes dans les oeuvres. D’autres artistes de la même époque s’interrogent sur le sens de l’oeuvre et la relation entre le travail artistique et son contexte social, politique et économique, formant ainsi deux courants importants dans l’histoire de l’art du XXème siècle: le minimalisme et le conceptualisme.
Victor Burgin a étudié l’art à l’Université de Yale, USA, avec des professeurs tels que Donald Judd, Robert Morris et Ad Reinhardt (les pratiques de ces artistes sont liées à l’art conceptuel et minimal). Cependant Burgin se distingue de ces courants artistiques car, même s’il soutient la rupture avec les idéaux modernistes, il souhaite construire une oeuvre où l’image (le visuel: la photographie en occurrence) a une place fondamentale notamment grâce à sa capacité de se situer dans l’espace et dans un temps donné, créant ainsi des liens entre l’art et d’autres champs de réflexion, par exemple la sémiologie (la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale).
Entre 1960 et 1975 environ, les artistes conceptuels mettent en place une critique ouverte du système capitaliste et notamment du marché de l’art, en créant des oeuvres qui ne sont pas des objets commercialisables.
Toutefois, en 1973, Victor Burgin souligne que ces problématiques éloignent l’art de la société et la pratique artistique devient auto-référencielle. Il plaide pour l’analyse de l’histoire des systèmes de représentation, où les images et les mots sont étudiés dans le contexte de leur emploi courant dans la société. Pour Burgin, aucune oeuvre d’art ne peut être considérée comme un objet isolé des «codes et des pratiques de la société dont elle est issue».
L’art devrait être perçu comme une pratique sociale et sémiologique dont les signes, les codes et le sens ne peuvent pas être séparés de ceux qui parviennent à d’autres types d’images (la publicité, le reportage, la propagande par exemple). L’art a une capacité critique: l’artiste interroge la société dans laquelle il travaille et l’oeuvre porte la trace de cette critique.
Un essai écrit par Victor Burgin en 1975, lorsqu’il enseignait la théorie esthétique aux étudiants en photographie à la Polytechnic of Central London, intitulé Photographic Practice and Art Theory, a été publié dans la revue Studio International en 1975. Ce texte est illustré de clichés de Diane Arbus et a été montré dans l’exposition précédente au CRP intitulée,Pierre Leguillon présente: Diane Arbus, rétrospective imprimée 1960-1971.
Cet écrit théorique aura une importance capitale dans la réflexion sur la relation entre l’image photographique et l’idéologie («la science des idées» ou «ensemble de représentations cohérentes dans lesquelles une classe sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre une autre classe pour imposer sa domination» Dictionnaire Larousse).
Cette exposition montre des oeuvres produites par l’artiste à cette époque. Burgin poursuivait cette réflexion par le questionnement de l’imagerie publicitaire et notamment en relation avec les enjeux psychologiques du message publicitaire (évoque par le texte comme par l’image) qui fait appel au désir par l’évocation d’une mémoire collective et du subconscient individuel.
C’est notamment avec l’oeuvre intitulée In Lyon, que Burgin va exposer les liens complexes dans les images entre le psychique, le social, la sexualité et la politique par la superposition de textes de Freud sur les photographies. Les textes sont issus de L’Interprétation des rêves par Sigmund Freud.
Comme le rêve, son oeuvre mêle transparence et opacité, associant des images tirées du réel à des images mentales —souvenirs de scènes vécues, réminiscences de la mémoire collective, fantasmes… Pourtant, son travail, éminemment politique, «s’articule autour du questionnement des représentations que la société et l’individu se donnent d’eux-mêmes, dans leurs inter-relations». Joëlle Pijaudier, in Passages, p.7, éd. Musée d’art moderne, Villeneuve d’Asq, 1986.
Victor Burgin compose ainsi avec les médias, alliant parfois dans ses séries photographiques l’effet de fondu enchaîné cher au cinéma ou l’usage du signe comme un des passages possibles entre les images: la série US 77 est à cet égard significative.
Le graphisme, le pictogramme, la peinture, le texte, «assemblés» répondent à cette exigence: une action qui devient subversive.