ART | EXPOSITION

Trauma

29 Sep - 18 Déc 2011
Vernissage le 29 Sep 2011

Barbara Breitenfellner rêve ses pièces, au sens propre. Il ne s'agit pas d'une démarche analytique ou exhaustive car elle ne s'intéresse qu'à ses rêves d'art ou d'expositions. Leurs énoncés servent de point de départ à une mise en scène distanciée, où imaginaire et fantasme livrent des énigmes savamment orchestrées dans l'espace.

Barbara Breitenfellner
Trauma

Barbara Breitenfellner consigne depuis plus de dix ans ses rêves dans ce qu’elle nomme son «Dream diary». Il ne s’agit pas d’une démarche analytique ou exhaustive, elle ne s’intéresse qu’à ses rêves d’art ou d’expositions. Les retranscriptions de ses rêves privilégient un mode descriptif et synthétique. Ses notes donnent le titre des oeuvres et apparaissent au mur de ses expositions. L’énoncé sert de point de départ à une mise en scène distanciée de ses projections nocturnes. Des installations complexes font se côtoyer des objets a priori sans rapport, inertes, qui entretiennent à la fois un rapport aux rêves et à l’exposition au sens large. Tableaux, murs peints, voiture, moquette, éléments de cirque sont quelques-uns des objets présents dans les deux rêves exposés au Confort Moderne. Chacun appartient au monde de l’exposition ou sous-tend une mise en scène dans sa vie ordinaire, que ce soit dans un garage, une collection, une vitrine, une boutique… Chaque installation est une exposition où imaginaire et fantasme livrent des énigmes sophistiquées à interprétations multiples.

L’un des deux rêves convoque Joseph Beuys dans une performance qui pourrait rappeler I like America and America likes me, lorsque l’artiste s’est enfermé une semaine durant avec un coyote dans l’espace exiguë d’une galerie en 1974. Dans l’installation de Barbara Breitenfellner, on trouve un gorille affublé du gilet sur lequel est noué un triangle, soit la veste fétiche de Beuys et un instrument récurrent de ses performances. Ce personnage se trouve perché sur un pont élévateur mécanique, au milieu d’éléments de cirque. Une bande-son diffuse de temps à autres des applaudissements tandis qu’un mur de lampes crépitent au rythme d’un programme complexe. Beuys et l’animal ne font plus qu’un et le coyote est remplacé par la figure ambivalente du gorille, symbole de l’altérité. Le décor de cirque et le fantôme des spectateurs nous renvoient irrévocablement au monde du spectacle. Une forme de critique institutionnelle émane de ce «tableau» qui fait glisser l’art de Beuys de la mystique vers la comédie.

Le second rêve, plus explicitement critique, met en scène une voiture de sport, des peintures ou plutôt des «croûtes» pour reprendre le vocable de l’artiste. Dans le rêve de l’artiste, il s’agit d’oeuvres exposées dans un grand musée. L’installation qui en résulte surjoue le ridicule et le cliché entraperçu dans le rêve tout en créant une oeuvre originale que l’artiste peut se réapproprier.

L’artiste pratique également le collage depuis de nombreuses années. Une iconographie disparate provenant de sources hétéroclites crée des tableaux aux constructions savamment orchestrées. Animaux, paysages de montagnes, figures humaines, images de mode, publicité vintage s’entrechoquent pour créer des mondes inquiétants aux accents surréalistes. Comme dans ses rêves, le sens ne découle pas d’une grille de lecture psychanalytique mais apparaît de manière incertaine au gré des coïncidences de formes et d’agencements.

Barbara Breitenfellner rêve ses pièces qui semblent configurées dans une géométrie non-euclidienne. Elle agence, associe des matériaux, des objets comme des collections. Il ne s’agit pas de se souvenir au plus près de ce qu’elle a vu lors de ses nuits mais plutôt de construire à partir de ce postulat de nouvelles énigmes, de nouveaux scénarios. Elle vide le rêve de son contenu analytique pour créer un univers d’une inquiétante étrangeté.

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