Salvatore Emblema  Â
Trasparenza
Le travail de Salvatore Emblema est fortement empreint de son environnement. Né à flanc de Vésuve, dans la ville de Terzigno où il a vécu presque toute sa vie, il en a prélevé la matière organique — tels des feuilles, de la terre volcanique, de la lave pétrifiée et des métaux oxydés — pour créer ses propres couleurs et textures. Au cours de sa carrière, il n’a utilisé que des couleurs fabriquées par lui-même pour peindre ses jutes glanées ou ses sacs de boulange.
Très marquée par son Vésuve natal, la carrière de Salvatore Emblema est aussi nourrie par le travail de ses contemporains américains qu’il a fréquentés de 1956 à 1958: invité par David Rockefeller, l’un de ses plus grands collectionneurs, à séjourner aux Etats-Unis, il a développé une sensibilité certaine au travail de Mark Rothko dont il est devenu l’ami proche et dont le travail a été une source indéniable d’inspiration. Ces rencontres précoces ont tôt fait de façonner la carrière entière de l’artiste. Ignorant les modes artistiques, il a tenté durant toute sa vie de saisir la transparence en peinture: en cela, il a occupé un rôle essentiel dans l’avant-garde italienne de l’après Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, dans le champ pictural, dès les années cinquante, Salvatore Emblema procède à l’application de matières naturelles à même l’Å“uvre, à l’instar de la toile réalisée en 1956 parsemée de pierre volcanique, ou de celle de 1959 teintée de cendres de volcan. Les Å“uvres des années soixante témoignent d’un allégement progressif du geste: dans les toiles de 1965 et 1968, Salvatore Emblema griffe la matière picturale. Dès 1969 et tout au long des années 1970, les toiles sont même détissées, permettant à l’Å“il de saisir l’espace lumineux de part et d’autre de l’Å“uvre.
Le parcours pictural proposé dans cette exposition souligne cette tentative d’approcher au plus près la transparence par un jeu subtil avec l’ombre de la matière: une démarche plastique comme un oxymore.
Dans son travail de Land Art, Salvatore Emblema fait advenir la transparence à travers des interventions picturales sur le paysage lui-même: à partir de 1967, l’artiste applique directement sur la surface des arbres une peinture faite de matériaux organiques.
Progressivement, il élabore des installations plus évanescentes, laissant le paysage se dessiner dans la transparence d’une toile de jute tendue au début des années soixante-dix, ou de structures métalliques ajourées, ainsi que la sculpture centrale de l’exposition «Trasparenza», produite en 1978. Cette arche, habituellement présentée en extérieur, a été peinte de bleu, de rouge et de blanc préparés par Salvatore Emblema lui-même afin d’obtenir une peinture qui absorbe la lumière.
Par la transparence, les installations et les peintures de l’artiste dialoguent avec la lumière et l’espace existants. Il a tenté de se départir du plan traditionnel en rendant transparente la surface plane. Délaissant l’ombre pour ne s’intéresser qu’à la clarté, il a invité la lumière ambiante à traverser ses peintures et installations sans artifice aucun. Si l’on peut définir le clair-obscur comme une gradation subtile de la lumière à l’ombre, prodiguant à la peinture profondeur et dimension dramatique, l’on pourrait dire de Salvatore Emblema qu’il en a revisité le concept dans l’abstraction.